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Céret : le vert est dans le fruit

bordadorLe vert est une couleur néfaste et peu importe ce qu’en pensent les Irlandais musulmans… Chez Garcia Lorca, il paraît qu’il symbolise la mort, au théâtre il porte malheur depuis qu’ainsi habillé Molière mourut sur scène en parfait fantasme Dalidien, quant au football, est-il besoin de vous faire un dessin ?

A Céret, depuis l’an dernier, c’est la couleur qui s’affiche quand sortent les toros prometteurs qui semblent tous voués à se fracasser contre un burladero. Un Adolfo l’an dernier, un autre en 2015, un Fraile ce dimanche. Un jour, un esprit supérieur vous apprendra certainement que les mythes se distinguent des légendes par l’absence de fondement réel. La tauromachie, se nourrit des légendes comme des mythes, ces derniers étant pour la plupart constitués de regrets et de rêves inaccomplis. Céret et son public se consoleront en imaginant la suite du combat inachevé de ces toros prématurément abîmés et renvoyés aux corrals. Puisque nous en parlons, ne fut-ce pas également le cas d’un magnifique colorado d’Assunçao Coimbra voilà quelques années ?

« Indépendamment de ce qui arrive ou n’arrive pas, l’attente est magnifique » et Céret constitue le point d’inflexion de chaque temporada. La dernière date véritablement attendue et espérée. Au-delà les corridas qui se célèbrent portent déjà le parfum des jours raccourcis et de l’automne tragique qui s’annonce. Passé Céret, il n’y a plus d’encierro à la télévision et l’on ne revient jamais vraiment manger ou boire dans les adresses catalanes avant juillet prochain. Passé Céret, les toros sont morts ou ne sortiront pas : Azpeitia monopiquera dans l’indifférence, Bilbao abîmera un peu plus sa légende et les Adolfos de l’automne ne donneront rien comme chaque année. Céret, merveilleux espoir.

A un Baltasar Iban en place d’Adolfo près, nous aurions pu avoir une feria de ganaderias féminines cette année, j’aime l’idée que cela n’a pas effleuré l’ADAC et c’est bien ainsi : au-delà des toros, des foutaises. Dolores fille a repris les rênes de l’élevage de Constantina : retour à Céret après la course de 1997 et l’absence de Pamplona dont le lot putatif aurait filé dans le Vallespir. Samedi soir, à mesure que s’égrenait un lot desigual, fin ou obèse, parfaitement manso et très décasté, trouvant le moyen de fuir dans le timbre-poste rond et ensablé du ruedo Cérétan, l’on n’osait croire qu’il pouvait vraiment s’agir d’un lot destiné à la Feria del Toro navarraise. Grâce à la magie du Juli avec ses Domingo Garcimore de ce lundi 13 à Pampelune, il est désormais possible de réévaluer notre jugement. Cela est véritablement dramatique. Robleno mit une belle épée qui résulta desprendida, Aguilar confirma qu’il n’est plus que l’ombre (assourdissante) de l’espoir qu’il fut au temps de Meca et Lamelas qu’il pioche toujours le toro zar-bi du lot. En l’occurrence, le 3, manso perdido collé aux planches permit au deuxième Alberto de la tarde de donner la preuve de son courage et de ses capacités d’improvisation quand d’improbables situations se présentent. Un modèle d’épée envoya l’Aguirre au paradis des toros et l’oreille n’aurait pas été scandaleuse. La vuelta indéniable.

Que vous sortiez ou non le samedi soir, que vous fassiez l’impasse sur l’important petit déjeuner dimanche avant d’aller aux arènes, que le chapeau soit resté dans la voiture ou non, vous crèverez de chaleur aux arènes et jurerez comme chaque année qu’on ne vous y reprendra plus. Trois heures de Fraile cette année, trois heures montre en main, un authentique cauchemar dermatologique dont chacun réchappe avec des stigmates colorés rigolos. J’avoue garder de la course un souvenir un peu embrumé par l’évaporation au soleil de divers alcools ingérés au cours des jours précédents. Les entrées des dernières années en matinée s’avèrent plus que correctes dans pareilles conditions, alors l’on finit par céder aux charmes du déambulatoire au sommet des gradins où cuisent déjà quelques amis à la chaleur tournante de la brise qu’il est possible d’y percevoir et qui n’y changera rien. Vous serez ridicules avec vos coups de soleil. Alors, libre de vos pénibles mouvements, vous voici à parler, papillonner, plaisanter, bouger et votre attention s’étiole. En tout cas c’est mon cas. Le lot me parut un peu desigual de présentation mais relativement charpenté dans son ensemble, dans l’esprit de la maison et assez encasté. Rien qui ne pût prêter au scandale étant donné la taille de la camada. On regretta un manque de poder pour donner à la course l’étincelle qui aurait réchauffé nos coeurs déjà quasi cendres et quasi pierre. Sanchez Vara reste pro et sans (bonne) surprise, prudent mais désormais flanqué d’un sauteur à la garrocha. Détail rafraichissant qui, en ces moments de canicule ne saurait être dédaigné. Perez Mota plutôt bien pour un torero avec si peu de contrats mais très embêté au moment de tuer un 2 prenant les tablas pour sa mère koala au moment d’affronter la mort. Ma foi, qui sait quelles lubies nous viendront quand sonnera l’heure ? Cesar Valencia, court Vénézuélien découvert en corrida à Vic Fezensac face aux Valdellan en mai, eut la chance cette fois-ci de ne pas avoir à disserter des mérites comparés du Bolivarisme et du Castrime (appliqués à la question grecque ?) face à un Cubano mais connut toutes les peines du monde à venir à bout de ses deux opposants, la présidence ayant peut être des indulgences de créancier international affolé au moment de faire retentir le fatidique troisième avis en temps et heure. Le coeur et le courage ne lui font pas défaut, la faim semble lui tenailler l’estomac et son toreo encore novilleril n’est pas dépourvu de principes qui l’honorent. En revanche, il ne domine pas encore l’art subtil et impitoyable de l’acier. Si mes comptes approximatifs sont justes : 9 entrées a matar, 8 descabellos, 4 coups de puntilla pour le seul 3ème toro. Le gamin finit en larmes, preuve irréfutable d’une hydratation préalable réussie et d’un pundonor touchant.

Un pique-nique et une sieste plus loin, les Adolfo nous attendaient. A l’inverse des protégés de Dolores y Dolores, les Albaserradas présentaient un trapio de première catégorie et 5 ans révolus. Après la bonne course de l’an dernier (à ma grande surprise), il est permis de penser que le ganadero se souvient de ce qu’il doit à Céret. Le lot me parut plus sérieux de présentation que celui vu à Madrid en juin, mon oeil et l’extrême différence d’environnements m’incitent à la prudence quant à la pertinence de ce jugement.

Luis Miguel Encabo, blanchi dans les travaux guerriers (et l’inactivité forcée ?) eut la chance de tirer le lot de triomphe. Un premier tardo mais d’une grande fixité auquel il sut donner une série de trois naturelles de magnifique facture. Le 4, fixe et mobile offrait certainement ses oreilles à un torero plus « pratiquant ». Le Madrilène s’en tira avec un succès d’estime et deux saluts. Son sérieux aux banderilles ne permit pas de faire regretter de ne pas avoir vu Angel Otero de sa cuandrilla dans l’exercice. La présence d’Urdiales en ce bastion que les demi-sels boudent parfois, me paraissait le coup de l’année. Torero fin et pur en voie de reconnaissance par la planète taurine, il eut la malchance de tomber sur un premier toro de peligro sordo mais à l’occasion éminemment tangible et sur une partie du public qui semblait l’attendre au tournant (auquel, là est la vraie question). L’Adolfo mit les choses au point dès l’entame de la faena en administrant une frayeur à travers la piste Cérétane au torero de la Rioja. Au moment de tomber sous un coup de descabello, le danger planait toujours, prêt à bondir (ce qui n’est pas évident quand on plane). Les réseaux sociaux bruissent d’une pseudo bronca, là où les avis se partagèrent. Billevesées… Le 5, juste de force permit à Urdiales de donner des passes templées sans émotion faute de combattant. Vous l’avez compris, ce n’est pas le genre du public Cérétan, à juste titre. Robleno, fermait le cartel et alla arracher une oreille au 6. Le 3 avait mis l’eau à la bouche du public en sortant avant de s’assomer à moité contre un burladero par la faute d’un peon et de se casser une corne. Le bis, un Aviador, avait un physique et un nom, mais guère de fond. Décidément en verve, quelques pointilleux de la raya du picador et autres obsédés du « saca la espada » en temps de descabello s’acharnèrent à dénoncer les supposés travers du torero de la plaza. Cela doit faire chic auprès des copains. Les dernières sorties du Madrilène ne m’ont guère convaincu. De là à mener une croisade…

Le Vallespir reste un sanctuaire que la Tramontane semble ignorer, que la Cobla Milenaria enchante année après année et où il fait bon se réunir avec des amis que l’on regrette de ne pas avoir vus assez le dimanche soir tombé. L’an prochain encore nous y courrons après le temps et pesterons contre la folie matinale d’une course au soleil de juillet.

Indépendamment de ce qui n’est pas arrivé cette année, l’attente de Céret reste magnifique.

  1. ROIGT Richard Répondre
    Fred, Le vert chez Fraile ? Pas dans la devise en tout cas ! Abrazo, Richard
  2. Xavier KLEIN Répondre
    "Passé Céret, les toros sont morts ou ne sortiront pas, etc..." Céret: grande maison certes. Mais le commentaire, un tantinet exagéré, n'est pas vraiment sympa pour d'autres arènes où l'on essaie aussi de bien faire les choses.

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