logo

L’inattendu Sergio Serrano

Azpeitia (Guipuzcoa), 31 juillet 2015 — Six toros de Cuadri pour ‘Paulita’, Perez Mota et Sergio Serrano.


cuadriazpeitia2015

L’on a beau se jurer de ne pas revenir à Azpeitia quand la plaza paraît sombrer dans un confort et un manque d’intérêt pour les choses fondamentales de la tauromachie comme l’an dernier, le cœur palpite toujours quand passé Cestona et ses hôtels fermés, la voiture file sous les énormes tuyaux de l’industrie lourde qui bordent la route et annoncent la petite ville Basque. Le décor pourrait toujours être suisse, le vert est de mise, le suspens demeure quant à savoir jusqu’à quel niveau de la colline descendra la brume, si de la brume viendra le crachin, si le crachin finira en pluie. Prudents, nous arrivons tôt. Trois heures à tuer entre les vendeurs de camelote africains, un verre de Txacoli dans l’église devenue salle municipale, les retrouvailles avec les amis et les connaissances. Le Guipuzcoa reste austère : avant la fête ce n’est pas la fête. Cinquante antis crient des slogans altermondialistes et s’inquiètent de l’éducation des enfants, ils sont garés le long du monastère. Sur le pas de la porte, sortent pour la photo deux nonnes conscientes et amusées du succès de leur apparition. On s’offre des places en gradas, sous le toit, on ne sait jamais.

Azpeitia est un pueblo où sortent des toros d’élevages qui nous intéressent et ce jour ce sont 6 Cuadri qui viennent chercher le frais loin de Trigueros. Le lot est dans le morphotype de la maison, d’âges divers et de poids disparates mais lourds comme il est de coutume (550 à 675 kg), de présentation irréprochable, de grand trapío certains. Le gros défaut fut la fragilité de certaines cornes qui finirent astillées voire très abîmées, des sources fiables et concordantes témoignent d’un débarquement et d’un apartado très agités. Convaincant ?

La course présenta un immense intérêt du début à la fin, le sérieux des toros faisant planer un danger sourd sur le ruedo bien que la plupart des Cuadri s’avérèrent nobles dans la muleta, pardonnant beaucoup d’approximations malgré un bilan chargé pour l’infirmerie. La corrida, âpre et festive, eut son lot d’émotions fortes et inattendues et vit triompher un torero de peu de cartel, à la technique imparfaite mais dont le courage et le sang-froid finirent par emporter l’adhésion. Ce spectacle sans filet, plan de carrière ou démarche marketing constitua l’exemple magnifique d’une sérieuse corrida de province où aficionados avertis et spectateurs plus occasionnels partagèrent le sentiment d’une fête authentique et véritable qui ne se lit pas dans les livres ni sur les écrans et n’a besoin ni de publicité ni de lobbying pour emporter l’adhésion.

Que dire de Cuadri dont on ne sait plus trop quoi attendre depuis quelques années ? Leur prestation madrilène de juin avait laissé les aficionados sur leur faim malgré le grand ‘Tejedo’, castaño numéro 23 et tué par Encabo qui avait dû se coltiner sa charge intermittente de dragster et avait permis à Angel Otero de nous offrir un tiers de banderilles imparfait, inachevé mais vibrant, exposé et héroïque qui fut l’un des grands moments toreros de la dernière semaine de la San Isidro 2015. (C’est ici la culpabilité et le regret d’avoir eu alors la flemme de finir mon article qui parlent).

Je pense modestement que le lot profita de la dimension réduite du ruedo basque pour masquer quelques signes de faiblesse. Certains toros eurent droit à la monopique (les 1 et 5), le 4 en prit trois, seul le 6, Zapato, autobus à impériale de 675 kg poussa avec fixité et la queue dressée à la première rencontre, avant de reculer deux fois à la deuxième rencontre. Les banderilles furent globalement désastreuses malgré quelques paires exposées de certains banderilleros décidés à jouer le jeu.
‘Socorrido’ ouvrait le bal avec faiblesse et fut préservé à la pique, il permit à Paulita de se mettre en valeur sur ce qu’il fait le mieux : toréer à la véronique. Chicuelinas distantes, faena lointaine et à mi-hauteur, le toro n’inspirait pas beaucoup de danger et le torero dispensa son toreo fade, sans pouvoir ni engagement. Quelques détails à gauche et final par molinetes électriques. L’Aragonais pincha sans s’engager et fut pris au cou à la deuxième rencontre, les sites taurins évoquèrent une cornada à la carotide. Évacué à San Sebastían, on ne le revit pas.

Perez Mota bâtit petit à petit son cartel dans des corridas difficiles avec plus de sincérité et de goût. Face à ‘Mentiroso’, de 630 kg qui fit preuve de beaucoup de fixité, il toréa presque exclusivement à gauche, sans aider le leurre, réduisant la distance et la longueur des passes à mesure que la charge du toro allait a menos. Une série à droite et quelques aidées par le haut peu heureuses avant de décomposer un volapie d’école au toro arrêté. Une grande estocade d’effet rapide qui fit tomber une oreille indiscutable.
Le 4, ‘Artillero’, de 560 kg répétait avec gaz et fixité dans les leurres et prit trois piques. Sa charge très exigeante déborda le torero à droite et accrocha la muleta plusieurs fois ce qui sembla finir de lui donner des défauts et des doutes quant à sa volonté de charger. Une nouvelle fois, Perez Mota exécuta un modèle de volapie. ‘Artillero’ souleva le torero au moment où celui-ci basculait sur la corne et le fit chuter de très haut sur l’épaule sans qu’il semblât que la corne entrât dans la cuisse. Le toro le chercha au sol sans parvenir à l’accrocher et le torero fut évacué, apparemment KO.

Quand le 3, ‘Flotador’ de 590 kg sortit et mit Sergio Serrano en difficultés au capote, rien ne laissait présager que ce dernier serait le seul matador à sortir non seulement indemne mais en triomphe de la corrida après avoir tué trois toros… Le 3 se retournait comme un chat bien qu’un peu tardo mais sa noblesse pardonna beaucoup au placement très approximatif du torero lors de la faena. Le manque de pratique et la technique très rudimentaire de celui-ci n’entament pourtant ni son courage et ni son sang-froid. Pinchazo et entière. Face à ‘Engaño’, le 5 de 635 kg, lourd mais de moins de trapío, Serrano s’enhardit encore pour débuter une faena décousue au centre en citant de loin le toro au tablas. Le toro garda la tête haute, le torero ne sut baisser la main mais ne rompit pas en dépit de deux avertissements à droite. Final électrique et tremendiste par manoletinas (comme au 3) alors que le toro se désintéressait. Pinchazo et bajonazo. Ovation.
Sortit alors l’énorme ‘Zapato’ de 675 kg qui semblait souffrir de tant de kilos au premier tiers mais s’avéra au final le plus noble du lot, offrant une charge longue que Serrano (qui semblait gagner des années d’expérience au fil de l’après-midi) sut embarquer, offrant un toreo de goût à droite lors de séries serrées et toréées. Le triomphe inattendu semblait à portée d’épée et une entier d’effet rapide fit tomber deux oreilles très demandées et que justifiaient l’envie, le pundonor et la valeur sèche du torero.
S’achevait une corrida imparfaite et passionnante pour la joie d’un public conquis et surpris du déroulement de la tarde. Nous reviendrons à Azpeitia et pas seulement pour la musique et les bonnes sœurs.

  1. LE COLLONIER Répondre
    Oui AZPEITIA est une Plaza assez particulière ...mais on je ne sais pas pourquoi on a toujours envie d' y revenir ! On passe devant ZESTOA ou les Hôtels ne sont pas tous fermés ...la preuve les cuadrillas y descendent . Même si tout n' a pas été parfait cette Arène a un certain mérite de présenter de telles Ganaderias , surtout dans un coin de ce Pays Basque ou les anti sont assez nombreux sans parler de ce parti BILDU qui aura fait assez de mal à la Plaza voisine de ILUMBE . Alors bravo à JOXIN et son équipe que AZPAITIA dure encore longtemps ! Sergio TYROSSE

Laisser un commentaire

*

captcha *