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Estella, un 1er août

Estella (Navarra) 1er août 2015 – Six toros de Miura pour Luis Miguel Encabo, Francisco Marcos et Javier Castaño.


photoLa feria d’Estella ne compte plus qu’une corrida à pied et une de rejon pour Pablo Hermoso de Mendoza bien sûr. Il est difficile de « voir » un lot de toros, de Miura qui plus est aux corrales. Après l’encierro matinal, les vaches sortent dans les arènes et à midi il est temps de mettre en chiqueros les toros de l’après midi. Tous les âges se pressent au balcon pour voir claquer les portes et passer les cornus. Une certaine idée du vaudeville en somme. À l’ouest de Pamplona, la tenue de feria est blanche à foulard rouge, la fête familiale et la foule n’effraient pas les nouveaux nés ni les poussettes. De place en place, le long du vallado de l’encierro matinal les bars sont bondés et sur des nappes blanches de papier et au cours de dîners interminables, les enfants finissent par tomber de sommeil dans le vacarme et face aux poulets grillés, patates braves, chistorras. La petite ville s’accommode des rochers, des églises et couvents, des remparts et d’un cours d’eau, les pèlerins de Santiago doivent prendre le même chemin que moi le soir, à travers le polygone industriel et la zone commerciale, ils passent aussi sous des arches romanes. Quelques affreux logements identiques et récents offrent une alternative à la sortie de la ville aux nombreux appartements en vente dans les rues du centre.

L’apartado ressemble à d’autres apartados, l’empresa se charge lui même de manœuvrer quelques portes et donne des réponses sibyllines aux assauts du photographe de la peña locale qui a réservé et acheté les six têtes des toros de l’après midi et s’il en veut une, moyennant 1500 euros et six à huit mois de patience, il aura la sienne. Évidemment, l’organisateur s’en fout, le photographe s’enquiert de l’abattoir à qui il faut verser encore quelques euros et se réjouit d’être ainsi un peu plus de la « partie ». Les banderilleros aux ceintures de golfeurs, mocassins, polos aux couleurs criardes et bracelets taurins se faufilent de plein droit sur les arêtes des murs. Ces gens juchés sur les passerelles au dessus des corrals m’évoquent la scène de l’enclos des raptors du dernier Jurassic World en même temps que me gagne le sentiment que ce genre d’évocation est impubliable sur un site taurin digne de ce nom. Personne ne choit, les bœufs guident les toros dont certains esquintent encore davantage leurs cornes contre les murs. Il y a quatre noirs entrepelados ou cardenos comme souvent chez Miura aujourd’hui, un castaño et un castaño parsemé de poils blancs allant jusqu’à former des tâches blanches vers le postérieur. Bref, trois couleurs, sardo ?

30 euros le tendido sol, des peñas gentilles et plutôt calmes si l’on pense à la proximité de Pamplona. Le bled débarque avec des glacières pour le goûter et s’installe sur les gradins de béton inclinés, incurvés et usés ainsi qu’un lieu de pèlerinage, conférant une solennité au lieu quand il est désert. Deux bandas rivalisent de cymbales avant la course, pour passer le temps l’on achète de la bière au bar d’en face où Madame la Marquise Prieto de la Cal promenait son chignon quelques minutes auparavant.

L’alguazil est vêtu de blanc avec une casquette, le costume feria en somme et parcourt plusieurs fois le ruedo au galop. J’en suis à ma troisième course d’Encabo cette année et me demande s’il en a toréées beaucoup d’autres. Il prend les banderilles au premier et l’orchestre municipal joue « Agüero ». Ils sont ente 60 et 70 à jouer. Les roulements qui entament et tapissent le morceau comme des vagues sous-marines prennent des profondeurs insensées. Le toro a du trapio et pousse sous l’unique pique, cela ne commence pas si mal. Agüero reprend fort pour la faena d’Encabo qui se défend et bouge, surtout à gauche, se fait désarmer, tue en deux assauts vilains. Au 4, il aura la particularité de donner la seule faena pour laquelle la musique ne jouera pas. Il faut dire qu’on goûte sur les gradins. Le tiers de banderilles fut désastreux : LuisMi tamponné par le frontal au premier passage demande le changement après deux paires plantées et deux banderilles accrochées.

Francisco Marcos est du coin, maintient son cartel chaque année à Pamplona et sait cajoler le public : il fait son brandis au public comme s’il disait adieu à sa mère, donne des accolades interminables et après une faena dégueulasse et pueblerina donne le moulinet de la montera en saluant pour donner rendez-vous au public au prochain toro. Le toro suivant est justement le plus noble et lui donne l’occasion de faire illusion à droite, il tue tellement mal qu’il ne coupe pas la moindre oreille.

Castaño pinche deux fois au 3 mais coupe une oreille dont je ne saurais expliquer la raison… Peut être pour avoir envoyé le toro deux fois au cheval dont la seconde de loin au grand plaisir du public (comme quoi) ? Cela m’étonnerait. Sa cuadrilla, Otero et Sanchez en tête plantent les banderilles avec l’application de l’élève dissertant en juin une fois le dernier conseil de classe passé. Au moment de la pétition d’oreille, ils ne manquent pas de faire monter la sauce auprès du public et d’enfumer le président en demandant de la main avant que ne sorte le moindre mouchoir s’il s’agit d’une ou deux oreilles. C’est assez moche à voir. Le 6 développe du sentido au cours de la faena et met le clown triste de l’escalafón en déroute aux aciers. Dans l’ambiance festive et assez indifférente, les cuadrillas ne s’attardent pas : en deux heures et cinq minutes les toreros ont tué 6 toros et déserté le ruedo et le callejon jonché de détritus où pétaradent à l’occasion des mitraillettes de pétards. Les gradins et la contre piste sont alors envahis de myriades d’enfants entrés sitôt la corrida terminée pour assister au lâcher de 3 vaches dans le ruedo, les coussins volent, quelques écarts et rasets sont effectués par une poignée de braves. La dernière vache regagne les corrals, les petits envahissent le ruedo et entament une véritable bataille intergalactique façon guerre des étoiles où en lieu de rayons lasers les coussins de cuir et de mousse décrivent des paraboles improbables des gradins vers la piste et inversement.

Il n’est pas très tard mais il faut songer à rentrer, sur la grande place de los fueros, un groupe local entame un medley de reprises en espagnol de succès de ABBA. J’atteins presque l’hostal au dessus de la gasolinera quand éclatent les derniers feux d’artifice. Demain il faut passer Roncevaux.

  1. MALCOS Répondre
    Je mettrais un petit bémol....vous écrivez " À l’ouest de Pamplona, la tenue de feria est blanche à foulard rouge," ce qui semble vouloir dire que cette tenue est copiée sur Pamplona....alors que c'est le contraire... c'est la "Peña Veleta" d'Estella qui a importé sa tenue à Pamplona ou Pamplona qui a fait comme......CQFD...Un abrazo. Malcos

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