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J’aime bien les toreros qui se suicident…

toro(… mais en dehors de l’arène.) –  José Bergamin

L’idéal eût été de vous donner un « lien » au bout duquel il n’y aurait plus eu qu’à cliquer sur une icône et écouter l’émission, mais le site de France Culture n’est pas très bien fait ou les serveurs saturent ou encore autre raison qui m’échappe. Rappelez-vous donc l’époque où les triomphes historiques de Huesca et Burgo de Osma ne vous sautaient pas automatiquement au visage à la moindre ouverture de page internet à l’ombre clignotantes des cartels rabâchés d’une plaza couverte à sonorité de gymnase. Le marketing taurin est distingué comme une page de cdiscount en période de soldes, une grande surface de tôle ondulée à la sortie d’une agglomération moyenne.

Rappelez-vous l’époque où trouver des informations sur les grandes férias était impossible le soir même et difficile le lendemain… Vous cherchiez !

Alors rendez-vous sur l’application podcast de votre téléphone prétendument intelligent (voire élégant) et cherchez « José Bergamin Nuits de France Culture ». Avec un peu de chance, vous tomberez sur l’émission du 20 mai 2015 qui consiste en fait en une suite de rediffusions d’entretiens avec l’auteur de la « solitude sonore du toreo ».

Si l’évocation de Valéry Larbaud, Francis Jammes ou encore des générations de 98 et 27 vous laissent totalement indifférents, avancez donc jusqu’à la minute 35 où le journaliste et Bergamin évoquent pendant 10 minutes « l’art de Birlibirloque » et la tauromachie en général.

« Tout un côté de ma vie appartient à la tauromachie » : l’auteur évoque Sanchez Mejias et sa mort, Joselito et Belmonte « des vrais fantômes (la série d’entretiens s’intitulent « entretiens avec un fantôme ») qui ont eu une vraie influence dans ma pensée et mon style d’écrivain ». Il revient sur son amitié pour le révolutionnaire de Triana, sa voix s’avérant plus convaincante à mon sens que ses écrits postérieurs à ce premier essai tauromachique dans ses tentatives de justifier le traitement sans concession (injuste ?) auquel Belmonte eut droit dans « Birlibirloque » (voir « Le toreo, question palpitante » chez Les Fondeurs de Brique, paru il y a 3 ans).

Mort stoïcienne de Belmonte, Luis Miguel Dominguin, la magie, le mystère, le « zaratoustrime » à l’espagnole de la tauromachie, l’auteur va jusqu’à révéler la définition psychologique et métaphysique la plus profonde de la corrida. Son français est délectable et à aucun moment il ne se sent contraint de justifier son aficion pour la tauromachie : c’est un véritable bol d’air par les temps qui courent.

La tauromachie a beau ne pas être un sport, la chronique de Luc Ferry dans le Figaro du jeudi 13 août « Pourquoi pratique-t-on des sports dangereux » n’en demeure pas moins intéressante si l’on se place du point de vue de la corrida. Trois raisons sont évoquées :

  • Perfectibilité ou « dépassement de soi » : a priori vous n’êtes pas torero et moi non plus, passons.
  • Vaincre un danger ou une peur contribue à nous rendre meilleurs et nous fait gagner en liberté et en confiance. Vous n’êtes pas toujours pas torero, moi non plus, mais l’on rejoint l’idée de l’accomplissement d’un acte héroïque et profondément humain en usant de la technique et de l’intelligence pour triompher d’un animal. Vous en avez déjà entendu parler…
  • « c’est en vérité l’essentiel », la pratique d’un sport dangereux permet surtout « d’habiter le présent » et illustre le Carpe Diem d’Horace dans sa dimension stoïcienne, c’est-à-dire en faisant abstraction de ce sur quoi nous n’avons pas d’influence possible ainsi que du passé (nostalgique ou malheureux) et du futur. Le chroniqueur évoque qu’au moment de prendre la courbe du Castellet à 180 km/h, « seul le présent compte et devient si intense qu’on a tout intérêt à l’habiter au mieux ». C’est bel et bien ce « présent intense » qui fait courir l’aficionado d’arène en arène et que nulle retransmission télévisée (même en direct) ne saura rendre. Quand sort le toro bravo et que le torero sait interpréter le toreo, le temps ne s’arrête pas ainsi que le prétendent trop de rimeurs, il s’intensifie.

Que ce 15 août vous soit intense !

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