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En une seule fois

Samedi 15 août 2015, Tafalla (Navarra) — Six toros de Doña Dolores Aguirre Ybarra (Conde de la Corte / Atanasio Fernández) pour Luis Miguel Encabo, Francisco Marco (blessé à son premier) et Alberto Aguilar.
Carafea‘, n° 14, octobre 2009 ; ‘Caracorta‘, n° 44, janvier 2010 ; ‘Carafea‘, n° 1, mai 2010 ; ‘Argelón‘, n° 4 , mai 2010 ; ‘Caracorta‘, n° 41 , octobre 2009 ; ‘Pitillito‘, n° 10, février 2011.


– « Oh putain, je me suis niqué 3827 kilos de gonzesse, je me dégoûte des fois tu sais. Et toi t’en es à combien ?
– 125.
-Eh ben mon vieux faut t’y mettre.
– Attention, en une seule fois. » —  » Les Bronzés « , Patrice Leconte, 1978.

En entrant dans les arènes d’époque de Tafalla (1888) auxquelles une demi-douzaine de platanes offrent l’effet de la fraîcheur, chaque aficionado était invité à entreprendre la lecture d’un papier publié par le Club Taurin de Tafalla et dans lequel il était question — très sérieusement — de redonner ses lettres de noblesse et son importance au tercio de varas. Ô la belle initiative s’avouait-on à part soi ! La fin du texte sonnait le rassemblement car « a los públicos corresponde la defensa de la pureza e integridad de la misma ».
En quittant la plaza de toros, la boîte qui contenait ledit libelle était encore pleine et il n’y avait rien d’étonnant à cela. Le public local, à l’image de nombreux publics espagnols, n’a cure que l’on pique correctement les toros qu’il vient voir courir le matin lors de l’encierro puis l’après-midi, à la corrida, après le leurre maladroit de seconds couteaux dont l’exécution correcte du tercio de varas remue autant leur professionnalisme que l’annonce d’un suicide collectif de manchots en Terre Adélie.
Les toros de Dolores Aguirre Ybarra, maintenant élevés par sa fille Isabel Lipperheide Aguirre, auraient pu paraphraser le sémillant Popeye des « Bronzés ».
– J’ai pris quatre piques à Tafalla.
– Ah ouais quand même !
– Ouaiiiis, mais en une seule fois !
Les Aguirre de Tafalla ne furent pas piqués mais assassinés lors de tiers sanguins et avant tout sanglants. La première mise en suerte correcte eut lieu le lendemain, dimanche, lors de la corrida annoncée de Saltillo mais marquée du fer de Moreno de Silva.
Ils étaient certes mansos à divers degrés et difficiles à fixer mais les membres du Club Taurin de Tafalla ont du pain sur la planche pour faire évoluer les mentalités en cette Navarre médiane où l’on apprécie cependant les toros sérieux. Car le lot envoyé depuis Constantina était tout sauf anodin. Desiguales de tamaño et de type (le 3, 5 et 6 correspondaient beaucoup plus au phénotype classique de l’Atanasio Fernández), les Aguirre furent bien et très sérieusement présentés mis à part ce ‘Caracorta’, n° 44 sorti en deuxième, tank cinqueño trop bedonnant, avec lequel il eut été plus aisé de confectionner txistoras goûteuses et chorizo suintant que d’envisager une lidia moderne tant il se montra désintéressé de tout ce que la piétaille présente dans le ruedo lui proposa, copiant dans cette attitude désespérante, le comportement de son compère sorti en 1, ‘Carafea’, n° 14. Des toros à sacrifier vaches, sementales, chiens, lapins, encinas et vaqueros d’une ganadería. Après la mise à mort valeureuse de Francisco Marco, ‘Caracorta’ planta sa corne dans la cuisse du matador comme pour se rendre compte, avant de mourir, de ce que cela faisait d’être un toro de lidia, l’espace d’un instant.
Après cette douloureuse entrée en matière, les quatre derniers toros rendirent hommage, à leurs manières de mansos con mucha casta y mucho poder, à celle qui avait sélectionné leur mère. Tous querenciosos — avec un fort bémol pour le quatrième, ‘Argelòn’, n° 4, qui s’avéra être le plus « malléable » du lot durant les trois tiers — ils se fixèrent petit à petit et plongèrent dans le combat comme on aime voir les Aguirre le faire : tête tordue et tirée vers devant, chercheuse et angoissante, corps tendu, échine ensellée ; torsion superbe achevée par cette queue dressée, comme accrochée à la manière d’un train fou à un fil invisible qui lui fournirait cette énergie rare et dantesque.
‘Carafea’, ‘Caracorta’ et ‘Pitillito’ imposèrent à Luis Miguel Encabo — qui tua le second de Francisco Marco — et Alberto Aguilar des suées froides et des souffles courts. Autant Encabo ennuya son monde avec un toreo décentré, périphérique et sans relief, autant Aguilar s’arrima avec valeur face à ‘Carafea’, n° 1, lui arrachant des séries bien tirées. Las, face à ‘Caracorta’, n° 41, il perdit son sitio et le calme qu’exige un tel affrontement. Brouillon, bredouillant un semblant de tauromachie, sans cesse en mouvement, il se fit déborder par un manso con casta qui ne demandait qu’à être lidié et dominé.

  1. Cyril Répondre
    Selon Popeyo : "Alors, ça s'est passé comment hier soir, la corrida?" "He ben, je sais pas quel âge ils avaient ces toros, mais ils aiment la pique ! " Tolosa

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