logo

Un café avec Rita

Campo Vaz Monteiro
Lisbonne, plaisante escale, pied d’appel pour s’élancer vers l’Atlantique, le franchir ou se poser sur l’un des rochers volcaniques qui parsèment l’océan. J’aime son aéroport qui promet tant d’Amérique et d’Afrique et où l’on croise ces gens parlant ce Portugais différent que les Lisboètes nomment Brasileiro quand tous les Brésiliens précisent qu’ils parlent bien Portugais et rien d’autre. Une certaine académie unifie la langue officielle qu’est censé pratiquer ce grand ensemble qu’on nomme peut-être la Lusophonie, nul doute qu’il faut maintenir des liens culturels quand beaucoup semble vous échapper comme au Portugal. Beaucoup c’est le pognon et la main sur ses affaires, ne le nions pas. « voilà pourquoi Cavafis se sent chez lui. On n’est pas grec par la race ou par la religion mais par la tournure d’esprit et par la langue » écrit Dominique Grandmont dans sa présentation du recueil de poésie de Constantin Cavafis, citoyen d’Alexandrie et immense poète grec. Le Portugais constitue un trésor qu’il faut chérir avec ses richesses rapportées d’autres continents :

Gosto de sentir a minha lingua roçar a lingua de Luis de Camoes (j’aime sentir ma langue se frotter à celle de Luis de Camoes), sans faire fi de la langue originelle (pure ?) de l’auteur des Lusiades, bien entendu et tout ce qui suivit pendant quelques siècles.

A língua é minha pátria

E eu não tenho pátria, tenho mátria

E quero frátria

Poursuit Caetano Veloso dans la chanson « Lingua »

Le pouvoir d’achat dont on jouit actuellement à Lisbonne ravit l’Europe à l’idée d’y passer quelques jours. Lisbonne est un musée, bien typique et photogénique et les arènes de Campo Pequeno une allégorie de la situation : un vieux bâtiment joliment rénové sous lequel s’étale un centre commercial et des parkings. Je dors dans le quartier d’ailleurs, près de Campo Pequeno, j’y tiens. Pour les arènes, la fondation Goulbenkian et le vieux café Versailles près de Saldanha, je suis un garçon facile. Ce jour, je dois déjeuner avec un client dans un bar à vins qui a décidé de ne pas ouvrir à l’heure, puis retrouver pour un café une sympathique tornade Portugaise qui élève des toros et reprendre mon vol en slalomant entre les taxis qui manifestent là aussi contre Uber. Matinée libre : un détour par les arènes pour envoyer une photo sur l’Instagram du site et la divine surprise de découvrir que depuis juin dernier a ouvert un musée taurin. Entrons. La salle à l’étage n’est pas immense mais l’on y trouve un lot d’affiches, de photos, quelques têtes de toros et des panneaux explicatifs des spécificités de la fiesta Portugaise. Quelques joujoux interactifs également. Dans l’entrée au rez de chaussée, un panneau de carton vous offre la possibilité de prendre une photo de votre visage en lieu et place de celui d’Antonio Ferrera en plein desplante (un must !) mais le clou de la visite est d’entrer sur la piste, constater qu’elle est bel et bien du sable dont on fait les toros malgré les affiches de concerts qui semblent s’y tenir fréquemment puis voir la chapelle, pénétrer dans le toril et s’amuser deux secondes avec la muleta, le capote et le carreton. La dame qui vous accompagne est charmante, elle précise que les corridas se donnent toujours le jeudi tard dans la soirée. On se prend alors à rêver d’arranger un rendez-vous avec des clients un vendredi matin, quand bien même ce soit pour voir des canassons.

Je commence à être à la bourre : le plan « wine bar » de Paco a dû être remplacé au pied levé par un restaurant indien mais qui donne dans la spécialité de Goa, l’honneur est sauf, juste à côté du château Saint Georges. La bouteille de vin du Douro chiffre 14,5 degrés qui poussent tous ensemble à l’optimisme : on trouvera bien un taxi !

15h20 : Carlos a raté sa réunion je pense et j’ai fait 3 correspondances de métro pour arriver à la bourre à Saldanha où m’attend Rita. Les taxis forment des convois qui klaxonnent sur les rues pavées vers Restauradores. Je me fais gentiment engue
uler, je la dépose à l’université où elle a rendez-vous (elle a trouvé un taxi qui nous trimballe, elle), j’ai à peine le temps d’en placer une et de lui parler de ses toros. J’ai trois épisodes de retard que je suis censé connaître car publiés sur Facebook : je pige qu’elle n’a plus deux mais une seule corrida cet automne et quelques soucis administratifs. Je lutte pour comprendre, me fais chambrer sur mon vilain « Brasileiro« , mais je sens peu après que je commence à me faire à son flot de paroles et à son accent. Ah, en fait elle est passée à l’espagnol, ça doit être pour ça… Ni une ni deux, je suis seul dans le taxi avec la carte de crédit de Rita (et le code). Sur ordre de la ganadera, on me laisse au garage où je dois récupérer la voiture puis retourner chercher tout le monde à l’université. Je n’ai toujours rien pigé à cette histoire de corrida en Espagne, j’ai une demie-bouteille de rouge du Douro à 14,5° dans le sang, une idée assez vague du chemin jusqu’au campus et la garagiste me demande si on fait l’alignement du Cayenne ou pas. Pois é… J’étais simplement venu boire un café !

L’alignement prend du temps, me permet de finir de lire selon Chardonne comment « Vivre à Madère » sur les bords de Seine et de boire quelques verres d’eau, Rita débarque avec le petit José, semble prendre la voiture sous le bras, me demande mon avis sur je ne sais quoi auquel je réponds coelho pour faire plaisir au petit. Alors cette corrida ? Salvador Cortes ? Ah non, je n’ai pas vu ta photo au musée… Avec un chignon ? Non désolé… César Valencia ? D’accord, oui, vu à Vic et Céret… Cette animalerie a plus de 80 ans ? Ah très bien ! On achète un lapin au petit… Je ne voudrais pas paraître grossier mais j’ai un avion dans 1heure et demie… Alors Sangüesa donc… Je voudrais bien mais j’ai un baptême ce jour-là, juste le temps d’arriver pour Cuadri à Dax. Le bouquin sur Dolores en VO ? C’est Joséphine qui l’a, bon, je dois filer, merci de m’avoir amené au terminal ! Beijo !! Une fois en salle d’embarquement, je réalise que je ne serai décidément jamais torero.

L’information importante de tout ce charabia est que Rita Vaz Monteiro envoie donc à Sangüesa (dont on peut saluer le cartel original) un lot de toros ce samedi 12 septembre, sont prévus au cartel : Salvador Cortes, Javier Anton et César Valencia. C’est très tentant.

Parabéns Rita, Boa sorte !

  1. Zanzi Répondre
    Olé !

Laisser un commentaire

*

captcha *