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¡ Abono !

fb_madrid_tendido_cyrCommencer un texte par « je » est l’assurance de perdre déjà une bonne partie des lecteurs, lassés de ces textes autocentrés et nombrilistes qui envahissent la toile. Vous venez d’échapper à « Je vais vous raconter le plus beau jour de ma vie : aujourd’hui » et pour avoir été épargnés, votre reconnaissance est sollicitée. A quelques jours d’aller à Madrid, puisqu’il s’agit toujours d’elle, évoquer le plus beau jour de sa vie, lorsque l’on sait le succès de la semaine qui suivit ce texte commis ici même en fin de San Isidro et intitulé « le plus beau jour de l’année », constitue une opération kamikaze pour peu que l’on soit un peu superstitieux (et qui ne l’est pas ?)

L’actualité taurine donnerait plutôt à grimacer : pour quelques succès récompensant le toreo classique d’Urdiales (ça sent la poisse pour vendredi, ça), combien d’indultos de Nîmes à Albacete ?  pour quelques nouveautés à même de secouer quelques temps les puces de l’establishment de l’escalafon, combien de « Julipié » ? Pour quelques pesetas de plus pour la rénovation du Batan (et la perspective d’en faire un lieu plus « polyvalent »), combien d’euros retirés à la subvention de l’école taurine de Madrid par la nouvelle maire de la ville (celle qui disait aux taurins de ne pas s’en faire la semaine dernière) ?

Preuve supplémentaire de la supposée désaffection du public pour la fiesta, et énième avatar de la crisis, à trois jours de l’ouverture des guichets pour les places seules pour la feria de otoño, le site de Las Ventas vend en ligne des… abonnements ! Il convient peut-être de rappeler ici qu’il y a encore quelques années, l’achat des places seules pour quelques corridas appétissantes constituait un véritable parcours du combattant : après avoir subi la frustration de réservations avortées sur le site de Las Ventas dont le serveur tombait en rideau au moment précis de vous demander les 16 chiffres de votre carte bancaire puis constaté après plusieurs tentatives prises sur vos heures de travail et au détriment de votre employeur que les entrées étaient épuisées, il vous restait à faire intercéder vos amis auprès de leurs connaissances madrilènes détenteurs de plusieurs abonnements, appeler votre reventa favori, envoyer les copains espagnols faire le tour de la calle Victoria… Quant à l’idée même de trouver un abonnement un jour, il s’agissait ni plus ni moins que de passer la nuit précédant l’ouverture de la taquilla sur le parvis des arènes à battre le pavé avec des gitans qui feraient passer au dernier moment 30 personnes devant vous. Les aficionados qui obtinrent ainsi leur siège attitré aux arènes pendant de nombreuses années avaient un jour eu un mérite incroyable. Ce jour, à l’heure où les clients espagnols étaient déjà partis en week-end, je composai le numéro de la taquilla de Las Ventas et passai 10 minutes au téléphone avec l’affable employé des arènes cherchant pour moi les abonnements les mieux placés (le plus près possible du 7 au soleil du 6). L’homme semblait avoir du temps : notamment celui de me commenter et me recommander les carteles les uns après les autres, avertissant que celui du vendredi était immanquable avec les fins de saison en boulet de canon d’Urdiales et Lopez Simon. Puis, pour conclure, après avoir noté sans faillir les 16 chiffres magiques et pris le numéro de ma carte d’identité me déclara solennellement que j’étais désormais « propriétaire » d’une place attitrée dans un tendido bajo de l’arène de Las Ventas à Madrid et que, sous réserve de renouveler à chaque feria le précieux sésame, je disposais du droit de le transmettre un jour à mon fils. « Le loup se forge une félicité qui le fait pleurer de tendresse » (La Fontaine) et la gorge serrée par une sincère émotion, je remerciai mon interlocuteur (« mon semblable, mon frère ») et en pris congé non sans lancer un « hasta el jueves » à la fois complice et fier.

Il est des rêves qui se réalisent : je suis pour 6 mois au moins officiellement « abonné à Las Ventas », c’est à dire possesseur d’un genre de ticket de loterie onéreux et – par les temps qui courent – militant (oui, c’est consternant).

Assurément un accomplissement !

  1. Murcielago Répondre
    Enhorabuena !

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