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Maria, Jimmy et les toros

IMG_4493bisL’écho taurin dans le monde est sujet aux modes. Vous connaissez celles de l’époque : les toros ne sont pas en vogue, alors qu’on ne pouvait semble-t-il concevoir de faire carrière à Hollywood dans les années 1950 sans passer a minima par la barrera d’une arène espagnole (à l’occasion d’un tournage par exemple), voire le lit de Luis Miguel. Au musée du Jeu de Paume, on pouvait retrouver jusqu’à dimanche dernier quelques personnages passés par les arènes et même les bras du grand Dominguin, mais aussi devant l’objectif facétieux de Philippe Halsman, né juif à Riga au début du 20ème siècle et poussé de pogroms en diverses formes d’antisémitismes de l’actuelle Lettonie en Autriche, puis à Paris et enfin à New York en 1940. Quelques clichés qu’il fit de l’aficionado Dali sont passés à la postérité, moustache incluse. Dans le genre, Dali Atomicus (1948) est un must en même temps qu’une forme de synthèse de son oeuvre puisque Halsman déclina le concept de « jumpology » avec des dizaines de personnalités. Saisi dans l’instant du saut, le sujet est préoccupé par le saut lui même ce qui a pour effet de faire « tomber les masques » et de révéler sa personnalité réelle, selon le photographe. Marilyn Monroe s’y reprit dit-on un jour à 300 fois. Jouant Marilyn dans des clichés plus classiques, posés, voire joués, elle illuminait dimanche encore la salle d’exposition dans toutes sortes de minauderies déclinées et de fantaisies charmantes. La dernière partie de la petite exposition était consacrée aux séances de jumpology avec d’importants personnages, quelques acteurs et les plus jolies pépées du moment : le Duc et la Duchesse d’York, Richard Nixon, Zsa Zsa Gabor, Gina Lollobrigida, Brigitte Bardot, Audrey Hepburn ou encore la Mexicaine Maria Felix. Cette dernière, contrairement à la plupart des autres sujets, ne saute pas dans un environnement neutre mais devant l’affiche d’une novillada à la Monumental de Barcelone : que demander de plus par un frais dimanche matin de janvier à Paris ?

« Quand le sage montre la lune, l’imbécile regarde le doigt ». De même, lorsque l’on retrouve James Dean allongé dans le lit de l’actrice Pier Angeli, la tête abandonnée sur des seins cinégéniques et transalpins, l’aficionado regarde l’affiche de corrida placardée derrière le lit. Ladite affiche ne présente guère plus d’intérêt d’un point de vue pictural que celle de Maria Felix : les deux étant parfaitement conformes à celles que vos parents faisaient imprimer à leurs noms lors de leurs vacances d’été chez Franco, on y lit – pour l’anecdote – le nom des arènes de Salamanca et les patronymes de Domingo Ortega, Manolete et Carlos Arruza. Toute une époque ! Cette scène du merveilleux film « Life » du photographe Anton Corbijn est censée avoir lieu à Los Angeles en 1954 ou 55 alors que Jimmy vient de tourner « A l’est d’Eden » d’Elia Kazan et que la Warner Bros l’envisage pour le rôle principal de « La fureur de vivre » de Nicholas Ray. Collés au basques de Dennis Stock (Robert Pattinson), nous partons ensuite à la recherche de James Dean dans un New York froid et pluvieux où le photographe poursuit la graine d’idole un Leica dans chaque main. Dean se planque dans sa très simple chambre, encombrée de bongo, castagnettes, livres à profusion et décorée de quelques dessins et d’une paire de cornes derrière laquelle est suspendue ce que l’on devine être une muleta. Cela commence à faire beaucoup pour un seul film américain réalisé par un Hollandais !

Quelle n’est pas la surprise de l’aficionado émerveillé, quand quelques mètres de pellicule plus loin il remarque au mur de la cuisine de la ferme de Fairmount (Indiana) des oncle et tante du même James Dean un dessin coloré dont le sujet semble bel et bien être un matador effectuant une passe de muleta. Quelques recherches plus loin, le web nous apprend que le jeune acteur américain avait été « initié » à la beauté de l’art taurin par le pasteur baptiste de la petite ville de l’Indiana par la projection de corridas. Le film de 2015 aborde donc par quelques détails (l’aficionado lira detalles dans son sens espagnol d’attentions délicates) cet aspect relativement méconnu de la personnalité de James Dean. Seul le frontal dans la chambre New-Yorkaise me semble dûment documenté par les photos de Dennis Stock. Reste entier le mystère de ce que pouvait alors signifier « aimer les corridas » dans l’Amérique des fifties. Il faut probablement chercher du côté de l’intensité que certains voulaient donner dans la conduite de leur vie : fumer, boire et lire beaucoup, conduire vite et éventuellement mourir jeune.

Ultime émerveillement au milieu de ces quelques touches un peu cliché ? La photo par Dennis Stock du bureau de James Dean dans la chambre de New York qui démontre que le jeune homme avait de sérieuses lectures.

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