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Le froid se lève aussi

valenciaSi la saison prétend aujourd’hui débuter à Olivenza ou peut-être encore ailleurs, ma modeste opinion juge que c’est bel et bien à Valencia que l’on peut commencer à parler de choses sérieuses. Mon père me disait que cela commençait dans le « Levant », Castellón ou Valence, selon les calculs alambiqués relatifs à la commémoration de la résurrection du Christ année après année. Tout cela était cohérent : le soleil se lève (aussi, comme disait l’autre) et l’année commence au Levant pour finir aux Amériques. Je ne saurais dire laquelle des notions de Levant quand s’annonce la temporada ou de la richesse du pluriel des « Amériques » me semble la plus poétique. J’ai toujours aimé l’image de ce petit monde qui se remet en branle dans les jours encore froids, les mozos décrochant les costumes des cintres, affûtant les épées, les matadors roulant des épaules avant de s’y remettre et les critiques taillant leurs crayons dans les salons des grands hôtels. Les clichés ont le charme des illusions auxquelles ils étaient associés : la saison commençait à Valencia ou Castellón, la compétition se jouait devant les tribunaux sévillans et madrilènes et les vainqueurs obtenaient le droit d’en découdre en serrant les miches devant les immenses taureaux des arènes du Nord : Pampelune et Bilbao. On rêvait !

Il fallait bien aller un jour à Valencia pour se faire une idée et mieux que ça, y emboîter le pas de Florent dans le soleil, le froid et le vent. Florent connaît tout et tout le monde ou presque, et quand il ne connaît pas, il a le contact qui connaît, il sait les us, les coutumes, le Valencian, le climat des Fallas (ça caille), le timing pour la Mascleta et les adresses pour manger, l’art et la manière de dilater le temps pour caser une éternité en 3 jours. Au cours de ma précédente visite, 36 heures avaient suffi pour manger une paella lors du concours annuel de Ribarroja de Turia, voir deux toros emboulés, des vaches le matin à Montserrat, des toros dans les rues du Puig l’après-midi, participer à une tienta de vaches locales avec une légende des recortadores et un footballeur professionnel et dormir deux nuits. Cet homme est un magicien !

Les saisons taurines sont des cycles qui tournent tambour battant et recommencent inlassablement chaque année. La force centrifuge expulse régulièrement les toreros retraités, les aficionados désabusés, mais l’on se plaît encore à s’y jeter quand sonne l’heure de tuer à nouveau des toros. L’année qui commence promet (ou nous vend ?) du nouveau : des gamins ont la prétention de se faire une place au soleil aux côtés de figuras qui ronronnent tranquillement dans leur ordre établi depuis l’avènement de Perera en 2008 et que Fandiño n’a pu vraiment bousculer. Ils s’appellent Roca Rey, et Garrido et s’ajoutent à López Simón, Jimenez Fortes ou Juan del Alamo et amèneront peut-être enfin un peu de competencia dans les cartels de 2016. Ojala !

Samedi 12 mars, Padilla sortait d’une anesthésie générale deux jours plus tôt et semblait légèrement hors de forme pour s’envoyer deux Fuente Ymbro qui n’avaient rien de cadeaux, on ne parlait pas de caste vive, mais plutôt de l’inverse. Jimenez Fortes promena sa démarche incertaine et ses gestes maladroits devant un lot similaire et dans un terrain réduit. Son manque de recours et sa conception tremendiste du toreo promet beaucoup de frayeurs à ceux qui le suivront, ce n’est guère ma chapelle. De Garrido, j’avais entendu monts et merveilles et il faut avouer qu’en un toro, j’étais convaincu par la fermeté de son toreo, puissant et templé empreint d’une grande autorité. Il fit tomber deux oreilles en grand professionnel au terme d’une faena véritablement maitrisée et d’une épée efficace. Le 6 sortit lessivé de deux piques violente et n’avait rien à offrir.

Dimanche 13 mars, la journée-marathon commença dans les vapeurs de shit sur le tendidos : les festejos populares amènent un public différent aux arènes. Le concours débuta après la lecture par les toreros de l’après-midi du discours de la journée de mobilisation pour la tauromachie. Je n’aurai pas la prétention de chroniquer le concours qui mit aux prises 20 recortadores à 6 toros d’Adolfo Martín, desiguales de présentation et d’âge : l’un affichait un guarismo 9 et ne pouvait sortir en corrida. De l’avis général, le lot ne tint pas les promesses de l’an dernier et seuls les 2 et 6 semblaient avoir de l’alegria dans l’embestida. Une porte dérobée nous mena à l’enchiqueramiento du lot de l’après-midi, d’une rare efficacité. Il fut ensuite temps de se faufiler dans les coursives entre le tout-mundillo qui prenait des forces avant de manifester. Nous sortîmes par le musée taurin derrière Diego Urdiales et Jose Tomas. Deux heures à piétiner beaucoup et marcher un peu plus tard et nous étions de retour aux arènes quasi pleines pour le second lot d’Adolfo Martín de la journée. Rien de notable côté toros, si ce n’est la présence d’une escadrille de quatre ‘Aviador’ sur six toros. Le lot fut assez conforme à ce qu’Adolfo sort de plus banal ces dernières saisons. Pas grand-chose aux piques, des signes de faiblesse, un moral friable et peu de charge au troisième tiers. Sortit en prime un jeune bison de 600 kilos en dernière position, haut, décharné, affreusement présenté, probablement prévu initialement pour le lot du matin. Face à ce lot sans atout, s’annonçait le cartel qui devrait faire fureur sur les affiches des corridas dites dures de l’année : l’incontestable et mobile ‘Rafaelillo’, le facile Manuel Escribano et le lunaire Paco Ureña. Le sourire le plus brillant de Gerena passa sans peine ni gloire, toujours sûr et tellement à l’aise qu’il laisse souvent l’impression de ne pas avoir tout donné, notamment aux banderilles où il nous infligea quatre paires assez dispensables à chacun de ses toros. ‘Rafaelillo’ s’envoya un premier faible et batailla à la face d’un quatrième sur la corne gauche duquel il découvrit tardivement une embestida à exploiter. Contrairement à Escribano, le Murciano essore consciencieusement ses adversaires, son toreo mobile laissant planer l’impression d’un danger qui fait souvent mouche. Il promena l’oreille du 4°. Paco Ureña semble l’antithèse parfaite d’Escribano : son toreo est sincère et parfois habité par une folie tragique : au 3, il débuta la faena à gauche et de face dans l’esprit de son automne madrilène : grâce lui soit rendue. Néanmoins, tout comme à Madrid, son toreo sembla sans filet et de peu de recours : certaines naturelles débutées de face et rematées dans la limite des moyens physique du bord (où il est prouvé que le point d’interrogation inversé est une gageure physique pour qui torée de face et croisé). Comme à Madrid, il subit une voltereta où le manque de recours technique conjugué à une sincérité confinant à la naïveté lui fut préjudiciable (un Albaserrada se découvrant tobillero en cours de série ne me semblant pas être le scoop de l’année). Reste à mon goût l’impression que le toreo va au-delà de cette immensité qu’offre pourtant Paco Ureña. Une estocade tombée lui permit de couper une oreille méritée au 3 et de passer par l’infirmerie.

Lundi 14 mars, retour à des chambrées plus confidentielles sous un ciel menaçant. La novillada d’El Parralejo ne demandait pas les papiers des aspirants toreros et résulta trop facile pour les deux premiers d’entre eux. Alvaro Lorenzo, alluré, offrit un magnifique toreo de cape à son premier adversaire et s’employa à devoir garder le 4 fuyard dans sa muleta, lui volant des séries à coups de redondos et finissant par luquesinas dans les tablas. Le novillo était manso mais buvait la muleta quand on savait la lui présenter. Une merveille de modernité. 1 oreille au 4. Ginés Marín s’en fut sans trophée à cause de l’épée après avoir donné pourtant la leçon la plus aboutie de toreo de l’après-midi. Ses adversaires infatigables et au bord de la mièvrerie avaient le bon goût de remater loin après la passe. La compétition de quites au 2 avec le local Cristian Climent s’avéra cruelle pour ce dernier. A ses novillos, le Jerezano « passa » tout : Arrucina, cartucho de pescado changé dans le dos, adornos toreros (trincherillas, desprecios), tout… sauf le volapié. Ces deux-là devraient se retrouver à Las Ventas en mai face à un autre lot du même élevage, un peu plus d’exigence de la part du bétail ne saurait nuire. De Cristian Climent je ne vis que le premier labeur, un rien pénible. Il coupa l’oreille du 6, de quoi satisfaire Florent qui aura la chance de le voir à nouveau du côté de la Carrer Xativa.

Nous reviendrons prochainement sur la manifestation du 13 mars.

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