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À la rue

Appelons-le F. F. est veedor de toros de lidia. C’est en tous les cas une des activités qui remplissent son frigo en fin de mois. Ce qu’il fait le reste du temps nous est sans intérêt.
En tant que veedor, F. est littéralement un voyeur de toros. Il est les yeux d’une empresa qui ne peut pas être au four et au moulin, chez Garcigrande et Bañuelos en même temps si l’on préfère. Comme tout veedor qui se respecte, F. sait voir les toros et, détail essentiel pour son état, F. sait voir les toros au campo ce qui est extrêmement difficile, il convient de l’avouer. F. passe donc une grande partie de son temps à butiner de-ci de-là, sous les encinas, le long des murets de pierre du campo Charro ; il prend le pouls du campo, il cherche chez Pepe un lot ‘bonito’ qu’il devra faire afeiter plus tard — l’afeitado existe encore et massivement si l’on croit les dires que murmure le campo bravo — et chez Paco des mammouths terrorifiques qui sortiront… par la porte du toril mon con!
Comme tout veedor, F. ne reçoit pas de salaire fixe mais il se paye une commission sur chaque lot repéré pour une empresa. Le déroulement est assez simple : après la corrida, F. passe voir le ganadero qui lui remet une enveloppe sensée le rétribuer pour lui avoir permis de vendre un lot.
Mais venons-en aux faits.
En 2013, F., qui ne manque pas d’assurance, est allé chercher sa petite commission chez un certain Miguel Zaballos qui venait de faire lidier une — bonne — novillada en une charmante placita de France et de Navarre. L’entrevue fut de courte durée et notre F. s’en fut de chez Zaballos avec ses seuls yeux pour pleurer et aller voir ailleurs si le cul lui pelait. Depuis ce jour, évidemment, Miguel Zaballos n’a plus jamais reçu officiellement la visite de la commission et de l’empresa du lieu, ce qu’il regrette car il porte à cette arène une affection particulière.
Le caillou ras, l’oeil vif et gamin, Miguel Zaballos n’est pas prêt de regretter son geste et ne comprend pas que l’on puisse être payé pour un service non fait ou non rendu, ce qui fut le cas pour F. en cette temporada 2013. Le choix de l’élevage, l’élection des 8 novillos fut le seul fait de la commission taurine de la placita française et ce, en totale collaboration et confiance avec l’éleveur. En cette affaire, l’empresa n’avait que bien peu à dire, chargée à l’époque presqu’exclusivement de la gestion des paperasses administratives. Le reste : choix des novillos, choix des toros, des toreros… incombait — c’était un choix depuis 2008— à la seule commission taurine. F. n’avait donc rien fait dans cette affaire et il était encore moins venu donner un coup de main quand il avait fallu, en urgence, embarquer un nouveau lot de novillos après que l’initial avait subi un regrettable accident de la route quelques jours à peine avant l’heure de la novillada.
Miguel Zaballos a oublié d’être couillon et ne se fait aucune illusion sur le fait de ne plus voir débarquer dans les années à venir l’empresa de la petite arène française. Excommunié !
Mais s’il n’est pas couillon, Miguel Zaballos n’est pas non plus une « mal gente », loin de là. Droit comme un i, souriant toujours, il croit en ses Saltillo — la novillada de 2013 lui donne raison — et se dit qu’après tout, les cons n’ont qu’à passer leur chemin et aller voir ailleurs. Son lot de cuatreños ira dans les rues du Levante, il le regrette mais en accepte l’augure.
Il pense venir faire un tour cette année sur les gradins de la placita française pour voir les toros des autres. Il va profiter de la fête et des amis du lieu. C’est toujours ça de pris avoue-t-il.

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