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¡ De pelicula te digo !

IMG_0501A l’heure de choisir les dates pour séjourner à Madrid, le cœur balançait entre la fidélité à la « semaine toriste » et la tentation de décaler après le désastre de l’an dernier. Après la publication des cartels, la décision fut de couper la poire en deux et commencer la semaine précédente pour voir pêle-mêle Urdiales, les jeunes, la finale de la Ligue des Champions quelque part un soir de tiercé…
M’avait échappé le retour de David Mora deux ans et cinq jours après son accident a porta gayola dans ces mêmes arènes. En mai 2014, le lendemain de la terrible cogida, le ciel faisait eau de toutes parts et pour la corrida de la presse, nous avions supplié le type des andanadas d’accepter de nous laisser entrer avec nos places de tendidos pour pouvoir se serrer au poulailler sous le toit. Dans les bars alentours où, froid oblige, le café s’affranchissait de glaçons, la cornada de David Mora tournait en boucle, images atroces entrecoupées d’autres moments d’une course qui ne fut pas à son terme après que les trois matadores furent envoyés à l’infirmerie.
Hier avant la course, pas franchement convaincus par le programme de la semaine ni rassurés par la forme d’Urdiales ni les passes dans le dos de Roca Rey, nous avions au moins la certitude d’assister à une ovation : celle qui allait saluer le retour du Madrilène dans ces arènes après 2 ans d’efforts et de doutes.
D’émouvante, la réapparition de David Mora passa à incroyable quand sortit Malagueño, numéro 1 de 563 kilos né en septembre 2010. En guise de salutations, le toro fit une feinte de corps dans le premier capotazo et sembla chercher directement le torero. Ambiance ! Mora para le cadrage-débordement et enseigna les bonnes manières au Nuñez à base de véroniques templées. Le premier contact avec le cheval fut du même acabit : ruade et sortie pour revenir immédiatement en découdre avec envie. Deuxième pique en partant de loin et magistralement donnée par Israël de Pedro. Le Toro allait a mas. Dans le vent qui soufflait en rafales, Roca Rey vint donner un quite par Saltilleras serrées et changées que remata une revolera de cartel. Mora, répliqua par gaoneras Hitchcockiennes dans le vent également ponctuées par une revolera Holywoodienne.
Dans le scénario ne pouvait manquer le brindis au chirurgien de la plaza qui fut invité en piste à recevoir une accolade pleine d’émotion et une ovation du public. Aux tablas de l’ombre, Malagueño préparait une nouvelle entrée en matière dans son style… Mora le cita du centre, laissant croire à un cambio mais dut rejoindre les raies pour que le toro finisse par s’arracher des planches. Entre temps le torero semblait avoir changé d’avis sur l’entame de faena mais au dernier moment et bien que de trois quarts face changea la charge du bicho qui le percuta de plein fouet, l’envoyant valdinguer dans les airs, rebondir sur le morillo et choir sur le dos. Brisé, le corps soutenu par toutes les cuadrillas, Mora mit une minute à se remettre du choc pour revenir aux tablas entamer sa faena par quelques statutaires et remates par le bas, trincherillas et mépris en avançant vers le centre et regardant les tendidos. Une fois son forfait accompli, Malagueño revenait à nouveau à de meilleures intentions et entama un récital de noblesse encastée, suivant le leurre avec fixité et codicia, à droite comme à gauche permettant au revenant d’accomplir un destin comme les scénaristes n’osent plus en créer au cinéma. De pelicula te digo ! Mora se confia, toréa dans son style, un peu prudent en entame et assez parallèle en général mais se relâchant totalement et toréant avec un temple qui fut lenteur et source intarissable de joie. Final à gauche, lentissime. Malagueño quitta ce monde foudroyé sin puntilla par une entière légèrement desprendida. Les tendidos blanchirent de mouchoirs. Larmes aux yeux, David Mora salua la vuelta au toro concédée par la présidence et recueillit les oreilles de l’Alcurrucen sous ces acclamations de « Torero ! Torero ! » qui valent tous les triomphes du monde. On peut certes dire que le placement ne fut pas toujours optimal et que les détails du Madrilène frôlent souvent la faute de goût, mais dans la balance, cela semble bien léger en comparaison de la longue histoire de ces deux années interminables. Quand le ciel, le destin, la chance, le hasard, les fées ou le ganadero vous envoient pareil toro (d’après les échos, reseñas et retransmissions, probablement le meilleur toro de cette San Isidro pour le moment) dans ces circonstances, il n’y a finalement pas grand chose à dire ou à analyser.

Pas grand chose à dire, non plus, sur le reste de la corrida, globalement mansa sérieuse et bien présentée, qui alla a menos et perdit en intérêt quand les trois premiers de cinq ans révolus cédèrent la place au trois suivants de quatre ans. Urdiales eut des détails à droite (notamment une bonne série en début de faena) face à un premier toro compliqué qui répétait en mettant la tête (pas toujours clairement) et se retournait comme un chat. Heredado passa de vie à trépas après un pinchazo une demie et un chapelet de descabellos laissant l’impression d’une énigme pas tout à fait résolue. En 2016, les « détails » d’Urdiales à Madrid ou Séville sonnent de plus en plus comme des euphémismes cachant mal la déception de ne pas voir le torero cuajar un toro dans ce style qu’on aime tant. L’adoubement de Curro Romero pèserait-il ?
J’ai aimé voir Roca Rey se coltiner (enfin) un toro sérieux et compliqué (au 3 notamment) et donner à nouveau une preuve de son courage froid dans des conditions sérieuses. Oui, ce garçon est puesto et valeureux et oui, il lui reste encore des progrès à faire dans le toreo classique car il manque cruellement d’art. Madrid semble l’avoir déjà un peu catalogué dans la catégorie des figures auxquelles elle demande beaucoup plus et mieux. On eut droit à moins de passes dans le dos qu’à l’accoutumée : une véritable bénédiction ! Le temps nous dira comment évoluera son toreo.

Du temps il en a et David Mora venait d’illustrer que tout venait à point à qui savait attendre… et persévérer.

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