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Le nom des pères

Ses soeurs s’appelaient Gertrudis et Engracia, sa mère Jacoba, ses tantes Eleuteria et Engracia. Déçu, c’était compréhensible, il écopa du classique prénom de son père, Fernando, et, sans recourir à une analyse psychanalytique complexe, ne doutons pas qu’Oedipe a eu son mot à dire pour donner à Fernando-Ildefonso Pérez Tabernero le goût immodéré qu’il vouait aux prénoms biscornus. Battant la campagne charra, distillant ça et là les largesses et la bonhommie du coq de village, Fernando-Ildefonso Pérez Tabernero se proposait de devenir le parrain de gamins du coin à la condition expresse de pouvoir choisir leur prénom. Inspiré donc par le déterminisme familial et renseigné par un vieux recueil de la vie des saints, il saupoudra les villages qui se trouvaient en banlieue de sa finca de Continos de prénoms dont l’époque avait perdu la mémoire. Gambadèrent alors sur les chemins de poussière de ce coin du campo charro des Austragisilo, Evilasio, Hiscio et dans son propre camp, trois de ses fils : Graciliano, Argimiro et Alipio. Le dernier, puni ou chanceux, s’en fut dans la vie armé du très classique Antonio.
Décédé en 1909, l’omnipotent parrain joue son rôle de père à titre posthume lorsque sa veuve, Lucía Sanchón, partage l’élevage de bravos entre ses quatre fils. Chaque prénom peut désormais se faire un nom. Il ne faut que quelques années pour que chaque élément de la fratrie « tue le père » et sacrifie le sang familial Miura/Veragua sur l’autel de la modernité de cet exorde de XX° siècle.
Antonio parie sur le Murube/Parladé (Luiz da Gama puis Conde de la Corte), Graciliano et Argimiro sur le Santa Coloma et Alipio, le cadet, copie dès 1912 son frère Antonio pour finir par se tourner à partir de 1922 vers le Santa Coloma pétillant de son frère Graciliano. Comme tout bon petit dernier d’une smala, Alipio a mis du temps pour devenir son prénom bien à lui.
Car l’histoire n’est qu’un éternel recommencement, Alipio règle sa succession en 1966 entre ceux des fils qui voulaient régler leurs pas sur les pas de leur père, désormais ganadero de renom. Ainsi, Alipio Pérez Tabernero Sánchez hérite du fer et de la devise, Ignacio d’un cheptel bravo qui portera le nom des Hijos de don Ignacio Pérez Tabernero puis, à partir de 1998, de Hoyo de la Gitana, Javier Pérez Tabernero se tournera vers l’Atanasio et mettra ses Santa Coloma sous l’appellation Hermanos Clemares et enfin Fernando poursuivra en l’état les choix de son géniteur. Il devient en 1968 l’unique propriétaire de l’élevage fondé en 1939 par son père en marge du fer d’Alipio. Le sang est le même que celui d’Alipio mais le padre met tout cela sous la dénomination de Hoyo de la Gitana du nom d’un cercado se trouvant sur la finca Galleguillos à Vecinos. Sans croisement officiel, les Alipio de Fernando Pérez Tabernero Sánchez deviennent les Pilar Población del Castillo en 1974 (c’est le nom de la femme de Fernando) qui sont aujourd’hui sélectionnés et choyés par Julio Pérez Tabernero Población dans la très classique et verdoyante finca de El Fresno.
En 2016, les prénoms de la famille ont retrouvé un certain classicisme. Les Pérez Tabernero élèvent toujours des toros de lidia, des Alipio, des Santa Coloma et c’est un miracle tant le campo charro fait l’effet d’une maison hantée par les remugles d’ersatz de Domecq par Daniel Ruiz et autres stupides modernités.

  1. Anne Marie Répondre
    Une belle allitération en P cachée là. Ah les Fernandos ils nous font de beaux Toros.

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