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Aucun bouquet ne vaut pour moi… (VIII)

LL-miurapalhaLes toros de Palha Blanco, ceux de la légende noire des « Miura portugais », n’étaient pas des Veragua. Pas seulement en tout cas et l’on peut aisément imaginer qu’en ce dernier quart du XIXe siècle, comme de nombreux autres, José Pereira Palha Blanco avait d’autres chats à fouetter que le maintien en pureza d’un élevage qui, dès l’origine, était issu d’un assemblage « cosmopolite » — tout en maintenant la ligne directrice du croisement Vázquez/Miura. Il s’avère plus judicieux de croire que Palha Blanco a tout simplement essayé de construire un toro, le sien, avec des apports de sangs au sujet desquels il considérait qu’ils étaient les meilleurs de l’époque et les plus prompts à lui permettre de créer un animal fier, puissant et sauvage. À cet égard, le sous-titre choisi par Pierre Dupuy, Alchimie de la bravoure, requiert tout son sens et toute sa pertinence.

Ici et maintenant, la nécessaire compréhension de ce passé force à se replonger dans l’élaboration des mythiques Palha Blanco.

António José Pereira Palha décède en 1871, date à laquelle son fils profite de la vie puisque l’on « n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans », ainsi que le versifiait son contemporain aux semelles de vent, né en 1854 lui aussi. Sérieux, il semble qu’il le fut pourtant, mais le tout début des années 1870 est pour José Pereira Palha Blanco l’occasion de voyager et d’achever études et humanités. Sa mère, Laura Rodríguez Blanco pallie l’absence, éphémère du fils, sans retour en ce qui concerne le père.

En 1871, José Pereira Palha Blanco hérite de ce dernier d’un troupeau de bravos estimé à environ cinq cents vaches de souche portugaise. Pionnier dans son domaine et sur ses terres lusitaniennes, il « tiente » le tout et ne conserve que cent cinquante bêtes. Parallèlement, il négocie avec un cousin, le marquis de Belas, l’achat de cent cinquante vaches vazqueñas ainsi que quelques autres à Estêvão de Oliveira junior, elles aussi descendantes de l’ancienne ganadería royale, mais peut-être croisées comme nous en avons émis l’hypothèse en amont au sujet des animaux issus de l’élevage de Ponte de Lima. N’en demeure pas moins que les idées de José Pereira Palha, encore très jeune, sont claires et obstinées : il veut construire un troupeau fondé essentiellement sur la caste des Vázquez.

Cependant, ses relations andalouses — celles de sa mère en particulier —, ainsi que la qualité des élevages de cette zone, l’incitent d’une part à rafraîchir le sang de son troupeau, puis dans un second temps à croiser ses vazqueñas avec les Cabrera de Miura. En ce qui concerne le rafraîchissement, en 1873, débarque au Portugal un semental tout récemment acquis auprès de Fernando  de la Concha y Sierra et dénommé ‘Guitarrero’. À juste titre, Pierre Dupuy fait remarquer que l’on trouve dans la casa Palha une représentation de ce novillo marqué du fer de Concha y Sierra ce qui s’avère impossible. Effectivement, c’est en 1873 que Fernando de la Concha y Sierra achète des vazqueños à Taviel de Andrade qui avait été l’acquéreur, en 1832, d’une part de l’élevage de Fernando VII. Il apparaît donc impossible qu’un animal de trois ou quatre ans ait pu porter sur son flanc la marque de Concha y Sierra qui venait à peine d’acquérir le bicho.

Les croisements opérés par Palha Blanco et listés par Dupuy, Maqueda et d’autres vont donner à la ganadería sa « fama » résumée dans l’expression on ne peut plus claire : « Horror, terror y furor ».

C’est tout d’abord un semental de Vicente Martínez qui couvre les vazqueñas. Ce croisement peut paraître étonnant aujourd’hui, mais à y regarder de près pourquoi ne pas imaginer que Palha Blanco n’a pas eu le désir de tenter par cet apport Jijón/Vázquez la même opération qu’avait effectuée le marquis de Casa-Gaviria lorsqu’il était en charge du troupeau royal de Fernando VII ? Et puis, en ce dernier quart du XIXe siècle, la ganadería castillane de Martínez connaissait de nombreux succès, et à suivre les aspirations d’excellence de ce Pereira Palha Blanco, il n’est pas interdit de penser qu’il alla se fournir chez ceux qu’il considérait être les meilleurs. Rajoutons pour être complet que concernant l’apport Jijón, Pereira Palha a persévéré dans cette ligne en achetant en 1891 un lot de vaches à Jacinto Trespalacios, qui dirigeait alors une ganadería descendant directement du marquis de la Conquista donc d’origine Jijón.

Cependant, c’est en 1884 que le croisement le plus fondamental, dans le sens littéral et historique du terme s’entend, est opéré par Palha Blanco : le croisement Vázquez/Miura. Ce croisement est moins radical ou moins étrange que celui de Martínez, car le Miura descend en partie du Cabrera, ce même Cabrera à l’origine, en grande partie aussi, du troupeau des Vázquez. Néanmoins, depuis les années 1830, il est concevable d’imaginer que les différents détenteurs de Cabrera avaient posé sur ces bêtes leur empreinte propre. C’est en tout cas ce que firent les Miura, l’histoire est connue.

LL-miuraEn 1842, Juan Miura achète pour son fils Antonio des vaches d’origine Gallardo à Antonio Gil Herrera et, en 1843, il augmente son cheptel avec un achat de bêtes de sang Gallardo auprès de José Luis Alvareda. C’est en 1844, puis en 1852 que Miura donne un nouvel élan à sa jeune ganadería : il mélange ses Gallardo avec des Cabrera acquis en 1844 à Jerónima Núñez del Prado, puis en 1852 à son héritier Ildefonso Núñez del Prado. En 1854, le croisement Gallardo/Miura est lui-même mélangé avec des sementales de José Arías de Saavedra d’origine Vistahermosa.

Il est donc louable de penser que quand il décède en 1860, la ganadería que laisse Juan Miura est loin d’être fixée sur un type précis de toro, d’autant plus que son fils Antonio Miura décide en 1879 d’opérer deux nouvelles injections de sang dans l’élevage : il reçoit en cadeau du matador Lagartijo le toro ‘Murciélago’‚ de Manuel del Val et d’origine navarraise. En outre, par un échange de sementales qui relevait de la courtoisie entre « grands » — même si Miura n’était pas noble —, Miura fait entrer du vazqueño dans le troupeau miureño avec un becerro offert par le duc de Veragua — certaines sources évoquent un castaño ojinegro.

La pérennité de ces derniers croisements est souvent mise en question dans les ouvrages taurins, particulièrement en ce qui concerne l’apport du Veragua. Néanmoins, quand il prête ou loue à son ami Palha Blanco trois novillos en 1884, que lui envoie Miura ? Sont-ce de « classiques » Alvareda (Saavedra)/Cabrera ? Sont-ce les premiers résultats du croisement navarrais ? Sont-ce les fruits des amours du semental de Veragua avec un petit lot d’une trentaine de vaches ? Les dates pourraient coïncider presque parfaitement, mais rien aujourd’hui ne permet de faire pencher la balance dans un sens ou dans l’autre. Les liens avec la famille Miura vont se consolider à Vila Franca de Xira puisque José Pereira Palha Blanco poursuit l’expérience de sementales de Miura de manière régulière jusqu’en 1922. Au total, Pierre Dupuy relève le chiffre de vingt-trois mâles miureños ayant fait le voyage au Portugal !

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