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Aguirre, encore…

Tafalla – Lundi 15 août 2016 – 6 toros de Tomás Prieto de la Cal pour Francisco Marco, Octavio Chacón et Esaú Fernández.
Tafalla – Mardi 16 août 2016 – 6 toros de Dolores Aguirre Ybarra pour Alberto Aguilar, Joselillo et Javier Antón.


 

Il y a un an, toujours à propos des corridas de Tafalla, j’écrivais ceci : «En entrant dans les arènes d’époque de Tafalla (1888) auxquelles une demi-douzaine de platanes offrent l’effet de la fraîcheur, chaque aficionado était invité à entreprendre la lecture d’un papier publié par le Club Taurin de Tafalla et dans lequel il était question — très sérieusement — de redonner ses lettres de noblesse et son importance au tercio de varas. Ô la belle initiative s’avouait-on à part soi ! La fin du texte sonnait le rassemblement car « a los públicos corresponde la defensa de la pureza e integridad de la misma ».
En quittant la plaza de toros, la boîte qui contenait ledit libelle était encore pleine et il n’y avait rien d’étonnant à cela. Le public local, à l’image de nombreux publics espagnols, n’a cure que l’on pique correctement les toros qu’il vient voir courir le matin lors de l’encierro puis l’après-midi, à la corrida, après le leurre maladroit de seconds couteaux dont l’exécution correcte du tercio de varas remue autant leur professionnalisme que l’annonce d’un suicide collectif de manchots en Terre Adélie.
Les toros de Dolores Aguirre Ybarra, maintenant élevés par sa fille Isabel Lipperheide Aguirre, auraient pu paraphraser le sémillant Popeye des « Bronzés ».
– J’ai pris quatre piques à Tafalla.
– Ah ouais quand même !
– Ouaiiiis, mais en une seule fois !
Les Aguirre de Tafalla ne furent pas piqués mais assassinés lors de tiers sanguins et avant tout sanglants. La première mise en suerte correcte eut lieu le lendemain, dimanche, lors de la corrida annoncée de Saltillo mais marquée du fer de Moreno de Silva ».

Cette année, la première mise en suerte correcte eut lieu la veille, non pas avec des Saltillo mais avec de « gentils » (sauf le 5 plus compliqué) et très nobles Prieto de la Cal dont les toreros ne surent pas profiter se disant peut-être à part eux-mêmes qu’ici tout le monde se moquait bien de vouloir s’esbaudir devant du bon toreo, le principal étant que le rón con limón reste bien frais. Et les toreros du jour, Francisco Marco, Octavio Chacón et Esaú Fernández n’avaient pas tort de le penser et firent tout pour ne pas imposer à un public douché par l’orage et fouetté par un vent tempétueux la démonstration du toreo de la jambe avancée et de l’oeil contraire. À ce concours hommage au mot périphérie, Octavio Chacón, puant de fierté et Esaù Fernández à la dérive du haut de ses grandes perches, ne sont toujours pas départagés.
Donc, il y a un an, les Aguirre s’étaient faits démonter l’échine sans vergogne et sans que cela ne posa un quelconque problème à ce sympathique public festif qui l’est resté cette année, sympathique et festif, mais aussi à des années-lumière de l’afición a los toros. Circonstances atténuantes, il fut pris en otage par un des plus mauvais présidents de corrida vu ces dernières années (pourtant, rien qu’en France, la liste est déjà longue) ; président dont on se demande s’il avait été mis au courant que l’empresa (Macua) mettait en place en 2016 un concours pour la meilleure pique pour lequel était exigé au moins deux rencontres. Les Aguirre prirent 7 piques ! Faux ! Les Aguirre furent envoyés 7 fois au cheval (un seul eut droit aux deux rencontres attendues) et encaissèrent là un orage de piques toutes contenues dans cette seule rencontre et toutes plus dégueulasses les unes que les autres : cariocas, pompage, piques à l’envers et jeu de fléchettes. Sans se départir de leur sang, les Aguirre, solides et sérieux de présentation mais douteux de cornes pour certains (comme les Prieto de la Cal d’ailleurs), affichèrent ce grand poder que l’on aime chez eux qui s’allument au quart de tour dès que pénètre la puya. Grosses poussées queue en l’air, chevaux trimballés ici et là, les rejetons de la fille à sa mère n’ont pas à rougir d’avoir été contraints de mourir ici, en de telles circonstances. Et ce ne sont ni Alberto Aguilar, ni Joselillo, ni Javier Antón qui les aidèrent à mieux à mourir, c’est-à-dire en pouvant exprimer la caste qui était en eux et leur permettre ces charges caractéristiques, tête en bas, corps tendu et vibrant d’adrénaline et d’angoisse. Excusons le jeune Antón dont c’était le premier et unique contrat de l’année mais désespérons des attitudes vulgaires et pueblerinas d’un Joselillo aux allures de sergent de la légion et du manque de confiance actuel d’Alberto Aguilar malgré quelques bons muletazos donnés au premier saigné au cheval sous ses yeux et … ses ordres car, ne l’oublions pas, ce sont les matadors qui sont les chefs de la cuadrilla et qui donnent les ordres.
À la fin, peut-être lors du combat du superbe et très bon cinquième ou pendant celui du sosie moral et physique de ‘Cantinillo’, un piquero mit sur la gueule au représentant de la cuadra de caballos dans le patio. Fous de joie, les jeunes du tendido sol rythmèrent la baston de leurs vociférations et de leurs rires de jeunes, les vieux se passaient le mot que ça cognait fort en dessous, personne ne voyait rien, tout le monde commentait, on finissait les bocadillos de jambon et poivrons cuits et les culs de bouteille de rhum, c’était bon d’être là.
Sur la route qui nous ramenait à Olite, en passant devant l’hôtel des toreros qui se trouve à la sortie de la ville et d’où les coletudos peuvent sentir monter le stress de la course en contemplant l’usine Fagor ou la station-service Repsol, je repensais aux mots de ce grand aficionado a los toros de Pamplona qui me confiait qu’il manquait à son arène un tiers de piques digne de ce nom pour être une place de catégorie. J’y repensais, totalement d’accord, en ajoutant qu’il manquait à cette immense afición navarraise aux rites et aux jeux taurins les plus divers et variés l’indescriptible, la viscérale, l’exigeante et la frustrante afición a los toros.

Nota : sans raison, aucun lot de Dolores Aguirre Ybarra n’a foulé le sol français en 2016 — on exceptera la novillada qui sortira à Vic en septembre (pour le coup, après deux années où furent programmées dans la feria des courses cinqueñas ou presque, on peut se demander l’intérêt pour cette place de programmer une novillada d’Aguirre en septembre. La novillada pouvant être le terrain de la découverte et de l’expérimentation, les aficionados pouvaient espérer un brin de nouveauté, la découverte d’un élevage, un retour en novillada d’un ancien grand élevage, le souvenir d’un encaste rare. Routine, routine…) — et c’est fort dommage, vraiment. Croisons les doigts pour que certaines organisations qui ont le goût du toro fassent la route jusqu’à la Dehesa de Frías pour 2017.

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