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Me reviennent les nuits d’août…

Dans la chaleur d’une discussion amicale, en poursuivant les quelques lambeaux de ciel qui se couche plus tôt maintenant, me revenait le souvenir des quelques novilladas vicoises données à la fin des années 1990 et au début des années 2000 dans les nuits d’étoiles filantes du mois d’août. Les Barcial prenaient des piques, encore et encore, couraient vers le cheval à la première sollicitation comme à la cinquième. Les chevaux étaient des Fontecha, mauvais, hippopotamesques, aussi figés que l’intérieur d’un monomaniaque atteint du syndrome de Tourette. Mais les Barcial chargeaient, poussaient et revenaient et les touristes étaient debout et nous aussi.
Hier, Saint-Perdon (Peña La Muleta) organisait sa désormais traditionnelle et bienvenue novillada concours de ganaderías aux arènes du Plumaçon de Mont de Marsan. Les organisateurs avaient bien préparé leur affaire en convoquant un concours ouvert du point de vue des encastes et des fers : Pinto Barreiros (encaste propre), Murteira Grave (Domecq/Nuñez/Villamarta), Miguel Zaballos (Saltillo), Pedraza de Yeltes (Domecq par Aldeanueva), Aurelio Hernando (Veragua) et Coquilla de Sánchez Arjona (Santa Coloma ligne Coquilla). De plus, ils étaient les premiers français depuis des lustres à présenter le nom mythique pour les férus d’histoire de l’élevage de toro bravo de Pinto Barreiros. Sur le papier, l’affiche donnait envie. L’on sait toute la difficulté d’organisation d’une course de toros, qui plus est d’une novillada, qui plus est concours. L’escalafón novilleril n’est pas dans son meilleur moment, le public marche sur la tête depuis des années et chaque novillo est un grattage du loto en fin de compte. Alors, une fois ce contexte mis en exergue, l’on ne peut qu’encourager les organisateurs a persévérer dans leur démarche car leur novillada fut entretenue malgré le manque de qualités du Pinto Barreiros et du Murteira Grave, malgré la présentation coquillette du Coquilla (dans le type certes de son origine — d’une ligne un peu asaltillada — mais clairement dénué de la maturité physique pour être présenté en novillada) et malgré surtout le mauvais jeu de la cuadra de Heyral. Chevaux lourdingues, peu mobiles, écoeurants pour les bestioles, rassurants pour des piqueros qui continuent d’oublier que l’échine d’un toro n’est pas une cible de jeu de fléchettes.
Passé le prélude portugais malheureusement décevant, le très asaltillado Zaballos (petit, fin et peu armé) exprima une belle noblesse un rien tobillera en troisième tiers dont l’inédit Juanito, gamin à l’oeil noir, profita joliment dans une première partie de faena où il avança la jambe et la main gauche avant de perdre un peu les papiers et d’échouer à la mort.
Déboula lentement des chiqueros le brocho Pedraza de Yeltes, star des gradins et des coutumiers de la sous-préfecture des Landes. Trois piques prises en brave même si lors des deuxième et troisième la puya fut prestement relevée, tête calée dans le peto, départs au galop de loin, il n’en fallait pas plus pour que le remplaçant de dernière minute, Diego Carretero, ne sente monter l’angoisse de passer à côté d’un tel novillo de luxe… ce qu’il ne fit pas en donnant intelligemment de la distance au Domecq qui chargeait au galop, tête chercheuse au ras du sol. Carretero alterna le bon et le plus moyen mais s’accrocha pour composer de belles séries, certaines templées, sur les deux cornes. Grâce à lui, nous « vîmes » le Pedraza que la présidence gratifia d’une vuelta al  ruedo (franchement pas nécessaire et après que deux ou trois ignares avaient gueulé l’ignoble innnndulto).
Si Carretero fut plus ou moins au niveau, son compère de cartel Luis David Adame fut un supplice pour le public et pour le novillo de Aurelio Hernando, de loin le mieux présenté de toute la course. Jabonero rematé et bien armé, le Veragua lutta avec poder au cheval en trois rencontres très sérieuses et sanglantes. Après les piques, la caste le portait mais elle se trouva orpheline d’opposition. Adame est un torero à montrer dans les écoles taurines pour expliquer aux gosses tout ce qu’il ne faut pas faire devant un toro : chicuelinas de réception, quite à moitié raté, toreo étouffant mais surtout destoreo total avec cette jambe qui devrait s’imposer dans le terrain du toro mais qui est automatiquement reculée et cette manière de tirer (il ne finit aucune passe) des passes rectilignes qui n’offrent au novillo que des sorties extérieures et des courses insipides. Pour finir, l’antienne encimista vendue par les aînés qui triomphent de cela, les coucougnettes dans les cornes d’un novillo écoeuré mais qui avait des choses à exprimer avant que de mourir de mauvais coup d’épée. Le bon novillo de Aurelio Hernando méritait beaucoup mieux.
Le Coquilla efféminé de clôture ne pouvait pas, physiquement parlant. Il poussa certes, il alla deux fois au cheval certes encore mais c’était trop pour lui. Juanito l’emballa un temps et profita d’une race évidente en troisième tiers, tête en bas mais sans piquant aucun ou si peu.

Le Pedraza de Yeltes a gagné. Il était bon mais le Hernando aussi, plus puissant en tout cas. Pourtant, je me rappelle de ces Barcial de Vic d’un autre temps pas si lointain. Pourtant je me dis qu’un concours où nous ne vîmes pas plus de trois rencontres pour le meilleur novillo (seuls le Pedraza et le Hernando eurent droit à trois rencontres) n’est pas complètement un succès malgré ce public debout à applaudir à tout rompre le ganadero et son mayoral au terme de leur tour de piste en compagnie de Carretero (triomphalisme). Les critères ont changé, les concours ressemblent aux autres courses, le public hait les mansos et leurs complications qu’il refuse d’essayer de comprendre, Adame va prendre l’alternative et le sable gris de Bilbao est devenu marron.

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