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Entretien avec les héritiers de Fernando Pereira Palha

Un an après le décès de Fernando Pereira Palha, ses héritiers ont eu l’amabilité de répondre à quelques questions concernant le présent et l’avenir de la ganadería. Merci donc particulièrement à son fils António et à son petit-fils Duarte. 


fpalhaorthez2012Il y a un an décédait Fernando Pereira Palha. Survivent les souvenirs d’un homme anachronique : monarchiste sans roi, éleveur sans terres (ou presque), ganadero d’un sang aux abois. Survivent ses mots, l’étincelle rieuse et enfantine de son regard, la démarche aristocratique. Survivent ses vaches, son trésor, sa ganadería inventée tout au long d’une vie pour reconstruire le toro de José Pereira Palha Blanco, l’arrière grand-père référence.

Depuis quelques années, on ne voit plus de mâles à Vil Figueira. La faute à la place qui manque pour faire pousser correctement des estampes. Et puis, ajoute António, « ces dernières années, nous avons établi de très bonnes relations d’amitié et de respect avec Toropasión qui nous a toujours traités de manière remarquable. Nous leur vendons les camadas de jeunes mâles (elles sortent en recorte à 3 ou 4 ans). Pour autant, précise-t-il, Toropasión peut vendre nos mâles pour une novillada ou une corrida si une commission ou une empresa en faisait la demande. Il est évident que nous serions enchantés, dans les années à venir, de lidier à nouveau à pied, en France ou en Espagne. La vérité, c’est que la France serait idéale au regard de l’excellente afición de ce pays et de la façon dont nous avons toujours été reçus là-bas« .

Antonio est le fils aîné de Fernando. Il a repris les rênes de l’élevage, aidé de ses frères et plus particulièrement de Luis qui est chargé des taches du campo. L’élevage de bravos est devenu une affaire de famille puisque « pour la sélection et les tientas, les décisions sont prises ensemble » et cela sans exclure la nouvelle génération en la personne de Duarte Palha, petit-fils de dom Fernando, forcado et aficionado práctico (c’est lui qui tiente les vaches de la maison).
Les jours de tienta, l’on imagine sans peine l’ébullition familiale autour de l’immense table de la Casa Grande. Le chapeau de ala ancha n’est plus posé dans le vestibule à l’entrée, sous les têtes des légendes cornues de l’histoire des Palha, mais son souvenir doit compliquer les décisions collégiales. Mais António est confiant : « nous ne sommes pas loin des critères de notre père. Nous conservons la même ligne. Ce qui a changé pourtant est la systématisation des critères. Nous essayons de mieux structurer ce que nous recherchons et ce que nous voulons éliminer. L’idée est d’uniformiser le comportement des toros de la ganadería. La marque de nos toros a toujours été structurée par le moteur, la mobilité et la caste. Évidemment, avec des hauts et des bas, mais la mobilité a toujours été là. C’est une valeur absolue de notre élevage. L’idée pour nous est de maintenir cela tout en cherchant un peu plus de fixité qui a parfois manqué. Il faut également que nous conservions le bon niveau de noblesse atteint ces dernières années. Pour résumer, nous travaillons sur trois points essentiels : maintenir la mobilité, augmenter la fixité et ne pas s’éloigner du niveau de noblesse encastée que nous avaons élaboré« . En ponctuant d’un rire franc, António précise qu’à part cela, lui et sa fratrie poursuivent le but familial des origines: « Terror, pavor y furor ! ».

Dans un élevage fortement dominé par l’origine Veragua (venue en partie de la descendance Faustino da Gama), se pose la question du rafraîchissement, d’autant plus, commente António, « que le thème de la consanguinité a toujours été présent chez nous« . Aujourd’hui, les trois sementales sont des produits de la casa mais « c’est vrai que nous réfléchissons à un rafraîchissement par des sangs qui comptent une haute dose de Veragua. La difficulté réside à ne pas sortir de notre type de toro. Il faut que le phénotype soit le plus proche possible de celui de notre toro. De plus, il n’y a pas que le type à prendre en considération. Nous savons que nos toros plaisent pour leur physique fort et leurs pelages mais nous les élevons avant tout pour leur comportement et nous sommes chaque année plus exigeants sur ce point. C’est pour cela que rafraîchir est une idée mais elle est compliquée car il faut trouver le bon équilibre entre la génétique, le type et le comportement. Nous réfléchissons… nous avons quelques idées ».

Si l’élevage est en pleine transition, les rêves des nouveaux ganaderos restent ancrés dans la réalité. Revenir à la lidia à pied mais dans des lieux où le toro est roi. Les noms cités par António et Duarte ne laissent aucune place au doute : Céret, Vic, Aire, Orthez aussi (c’est là que fut lidiée la dernière novillada en 2012) et bien-sûr Madrid. « C’était le grand rêve de notre père et y aller un jour serait le plus bel hommage. Il y a deux ans nous avions une novillada reseñée pour Las Ventas mais deux novillos se sont tués… un jour peut-être« .
Fernando reste présent dans chaque mot de ses héritiers. « Les souvenirs sont là, tous les jours. La ganadería elle-même est son souvenir. Il a été un rêveur qui a réussi à accomplir son rêve. Il nous est impossible de regarder les vaches, les toros, de voir naître les becerros sans penser à lui. Et puis, sa façon d’être et de se comporter nous a marqués profondément. Son chapeau toujours impeccablement mis, les bruits qu’il faisait pour appeler les toros… c’est impossible pour nous de citer une anecdote précise tant elles sont nombreuses. Tout lui fut une histoire en soi qui s’en est allée et que nous ne reverrons plus. Il nous manque énormément…« .

  1. Anne-Marie Répondre
    Aimables, certes. Qu'ils ne cèdent pas à l'appel des sirènes.

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