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100% puro

Au-dessus du pot de terre qui contient la longue liste de ganaderías bravas d’où la lumière a fui ces dernières années, le nom de Tulio ressemble à la dernière goutte d’un filet d’eau mourant. On la regarde se former, elle gonfle, elle prend son temps, attirée par la chute, elle hésite. Des fois, elle ne plonge pas et demeure l’ultime confins du fragile filet d’eau.

On croyait l’élevage de Tulio moribond et sur la voie d’un faire-part de décès. Si tout n’est pas acquis, si le temps exigera de la patience et de la chance, il semble que les propriétaires tentent de remonter le troupeau – fidèles au sang Pedrajas – que l’on avait laissé souffreteux il y a déjà un lustre. Un semental de Yerbabuena redonne un brin d’espoir et les quelques utreros qui paissent à Los Guaperales ne peuvent qu’inciter à l’optimisme – certes prudent – les aficionados a los toros dont la mémoire conserve encore intactes les images des estampes de Tulio.

Merci à Romain Lacau pour les photographies prises début juin à Los Guaperales ainsi que pour ce premier texte qu’il consacre à cette ganadería.


Le rendez-vous était fixé à 15h, finca Guaperales, au sud de Constantina, sur les contreforts de la Sierra del Norte, véritable paradis ganadero où les oliviers et les blés font enfin place aux chênes-lièges et au bétail bravo.

C’est donc sous un soleil de plomb, et en pleine digestion de patatas bravas consommées dans un bar douteux de Constantina que nous confirmons par téléphone notre présence à Isaías Vázquez, l’héritier de ce fer emblématique créé en 1935 par son grand-père et son grand-oncle et faisant dans les décennies suivantes la part belle au sang Pedrajas… sang maintenant en péril dans le monde taurin actuel.

Après quelques turpitudes et incompréhension pour arriver à naviguer au milieu du bétail manso de la maison (les temps sont rudes), et en échappant de peu à la destruction du Touran sur les chemins ravinés typiques du campo, on aperçoit enfin Pepe le mayoral et Francisco nous attendant et brayant dans un andalou difficilement compréhensible à un LV2 espagnol.

Le lieu, escarpé entres lacs et petits ríos desséchés est idyllique en cette fin de printemps, comme dans un rêve que l’on se fait du campo andalou. Cependant, en pénétrant dans les premiers cercados, et aux commentaires de nos guides, on s’aperçoit également de la situation actuelle de cet élevage et plus généralement de cet encaste mal aimé des toreros et dont la survie semble passer par le marché français. Les lots sont moins fournis que chez le voisin de Dehesas Frías et on est loin de l’affluence des nouveaux « rois ganaderos » domecquisés.

S’il est chiche en nombre, le bétail reste sérieux et Pepe de répondre, à la mode colombienne, aquí es 100% puro Pedrajas. En précisant également, non sans fierté, qu’il était le seul dans ce cas dans le coin après ma remarque sur le récent rafraîchissement procédé par l’élevage du Marques d’Albaserrada avec deux sementales de la maison.

Les lots d’utreros sont dans le type, noirs et astifinos bien que légers de tamaño pour certains. Ici pas de fundas mais des regards noirs et pénétrants si typiques de cette origine que l’on voit hélas trop peu dans nos arènes. En poussant un peu la discussion sur l’avenir ou les futurs contrats, il semblerait que pas mal d’empresas soient venues à Constantina (françaises inclues) mais aucune n’a donné suite, et c’est bien regrettable. Cosas de toros.

Il semble quand même urgent, au regard de nombreux élevages au passé glorieux mais aujourd’hui dans l’impasse faute de débouchés,  que les mentalités changent dans le mundillo, afin de ne pas perdre cette diversité en grand danger ; et cette responsabilité en incombe en premier lieu aux grandes plazas qui ont le devoir de prendre des risques dans leur vaste programmation souvent trop monotone. En attendant, on restera à l’affut de la moindre annonce du retour des Tulios sur une affiche que cela soit de ce côté ou de l’autre des Pyrénées. Il y a fort à parier et à espérer que nous ne sommes pas les seuls.

Romain Lacau – juin 2017.

  1. el tito Répondre
    Ojalà. Depuis le temps qu'on les attend/espère. Je serais prêt à parcourir qq km la tête me remémorant sur le chemin les anecdotes d’anciens (chanceux ?), retraçant leurs glorieux combats.
  2. MARTIN Roger Répondre
    Grand souvenir d''une corrida de Tulio y Isais Vazques vue a Vic Fezensac du temps ou cette plazza cherchait du toro- toro Y compris les patas blancas d'Arturo Cobaleda, qui, même , novillos, donnaient de fabuleux tercios de piques .
  3. Anne-Marie Répondre
    Et bien ceux-là, ils ne sont pas prêts d'arriver à Nîmes ! Vous avez tous de la chance, moi je ne peux pas faire les kilomètres,. Ouin ! Grhhh !

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