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Dans la tête de

Dédé son dada c’est la culture. Pour lui, la proximité de la tauromachie avec la tarte tatin est l’assurance de la tranquillité de notre futur. L’idée est respectable mais très discutable. Les dispositions du code pénal et surtout les décisions d’une jurisprudence absolument constante depuis des lustres me semblent bien plus rassurantes. Mais la jurisprudence n’est pas ce qui se fait de mieux pour briller en société, gagner en notoriété ou gratter des subventions.
Il est parfois préférable de se faire discret. Les lobbyings en la matière nous les imaginons plutôt souterrains que provocateurs. Nous avons vu les conséquences du rapprochement avec Madame Tatin.
Un mien ami, d’une curiosité insatiable, lit Monsieur Viard avec assiduité. Je ne peux pas lui en vouloir. Le truc est en vente libre et les effets secondaires ne sont pas si dramatiques.
Les effets secondaires sont que parfois il arrive dans ma boîte mail des captures d’écran de choses étonnantes.
La dernière en date est une excursion dudit Viard dans la tête d’André Malraux.
On y apprend que Malraux aurait pu, a failli, être aficionado, mais que malheureusement son engagement aux côtés des républicains espagnols a fait que non.
Je cite : « s’il avait été moins obnubilé par la rancoeur qui le rongeait de la déroute des Brigades Internationales, par sa haine du régime franquiste, ou par les mauvaises relations qu’il entretenait avec Picasso, Malraux serait probablement devenu aficionado et on l’aurait vu dans les arènes d’Arles ou de Nîmes avec le peintre génial ou le poète Jean Cocteau ».

Autrement dit, Malraux était aussi con qu’un catalaniste de base, au point qu’il n’a pu s’empêcher d’associer tauromachie et franquisme, et donc rejeter la Fiesta.
Le président ne doute de rien et de cette faiblesse de l’esprit de Malraux il en déduit une constante froideur du ministère de la culture vis à vis de la tauromachie. Le raccourci est saisissant, vertigineux. Cette façon de ré-écrire l’histoire basée sur des «peut-être que si» ne peut que nous laisser sans voix (nous avions déjà émis de très forts doutes sur sa manière de pratiquer l’Histoire : ici ).
Chez Malraux, cet anti taurinisme supposé expliquerait ensuite le manque de reconnaissance par le ministère de la culture de l’importance des peintures de la grotte de Villars, victimes collatérales du franquisme. Pour Viard le monde se divise en deux. Nous et les antis. Binaire.

Nous n’allons évidemment pas nous livrer à l’exercice hasardeux d’une analyse de l’esprit d’André Malraux, mais il n’est pas interdit de s’amuser de la façon dont le président de l’onct a pu utiliser la phrase tirée de «Saturne», l’essai qu’il consacra à un certain Francisco de Goya : Il y a dans toute corrida le mélange d’un spectacle de cirque et d’une communion du sang.

En voici le passage intégral :  » La tauromachie était un recueil admirable ; malgré une apparente répétition où semblait s’user le génie, chacune des compositions, à l’exception des quelques planches documentaires d’où la griffe n’était d’ailleurs pas absence, retrouvait le grand accent. Il y a dans toute corrida le mélange d’un spectacle de cirque (avec sa part de danger, mais les équilibristes aussi se tuent parfois) et d’une communion du sang. Goya allait de ce spectacle à cette communion, du plaisir de l’aficionado à la célébration d’un sacrifice. Son noir d’autre monde n’était pas plus absent de ses mises à mort qu’il ne l’avait été des ses sorcelleries. Et le taureau, quel que fut le sujet des gravures, y était toujours le taureau. Harcelé par les chiens, par les picadors, par les banderilleros, il ne perdait jamais l’immobilité ramassée que Goya lui donnait avec tant de force devant les lances, l’immobilité qui va se ruer meurtre : sur ses cornes à peine baissées allaient, aux planches suivantes, se convulser les chevaux éventrés ou les hommes tués. Quel rôle n’avait pas joué dans l’art de Francisco de los Toros la conjugaison de la mort, du jeu et de la part nocturne du monde ! Sans doute la corrida, ses déguisés et son sacrifice étaient-ils à ses yeux un carnaval sanglant. De tant d’accidents et d’exploits oubliés, il restait, l’album refermé, la silhouette animalement héroïque si souvent apparue sur le ciel au-dessus des crêtes de l’Aragon, comme jadis, sur le piédestal des promontoires de Crète, avait surgi le Minautore « .

Chacun se fera son idée. Que Malraux fut anti – je n’en sais rien- c’était bien son droit et son problème. L’hypothèse que cet anti taurinisme supposé le rende aveugle au point de ne pas reconnaitre l’importance de certaines peintures pariétales est une telle absurdité qu’elle ne mérite pas plus de commentaires. Ce qui est également à pouffer, c’est de lire, dans la foulée, la réhabilitation faite par les « tauromachies universelles » de ces peintures, faisant ainsi une sorte de «quite» posthume à André Malraux.

Le type ne se prend décidément pas pour une merde. On a les BHL qu’on peut.

Mon ami ne rencontrera jamais André Viard. Et si un jour il pouvait faire une excursion dans sa tête, j’ai bien peur qu’il se trouve perdu dans un territoire qui lui sera totalement étranger.
Pour l’heure, la vie est belle et les mouchent pètent.

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