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Joan Jordà

Sans titre.
1993.
Série « Tauromachie ».
Encre et acrylique sur papier.
21*29 cm.

Parmi les centaines, les milliers d’oeuvres que l’artiste catalan Joan Jordà a réalisées depuis les années 70, celles tirées des séries intitulées « Tauromachies », « Autour du taureau », ainsi que la poignée d’illustrations faites à la demande de l’éditeur Pierre Nouilhan pour la réédition chez Sables de « La tauromachie ou l’art de toréer » de Pepe Hillo, occupent une place toute singulière.
Tout au long des années 90, avec d’ailleurs une parenthèse plus marquée encore entre 1993 et 1997, Joan Jordà, qui n’aime pas la tauromachie, s’est saisi de ce motif comme si celui-ci s’était révélé à lui tel un objet de fascination.
Ce matin, accoudés à la vieille table en bois de cette pièce où s’enchevêtrent des livres, des carnets, des papiers, des allumettes usagées, que sais-je encore d’autres qui aurait échappé à mon regard, ces esquisses et ces toiles taurines sont revenues comme à chaque fois dans la discussion…

« La dernière fois que j’ai vu une corrida, c’était à Nîmes il y a très longtemps. A un moment, quand l’un des taureaux est sorti, j’ai été envahi par une immense tristesse parce que je savais qu’il prenait là le chemin inéluctable vers la mort. J’ai compris à cet instant précis que je n’aimais pas la corrida » me souffla-t-il un jour…

Ce « chemin inéluctable vers la mort » le renvoyait je crois au « sentiment tragique de la vie » cher au philosophe espagnol Miguel de Unamuno qui, lui non plus, c’est peu de le dire, n’aimait pas la corrida.
Pourtant, et c’est là l’infinie complexité de ce que la passion taurine fait naître en nous: elle nous emporte aussi pour ces raisons-là, à un point tel qu’au-delà des paradoxes elle prend une dimension irrésistible.
En quittant Joan Jordà, en refermant derrière moi le portail grinçant qui donne sur le petit jardin broussailleux, je repensais d’ailleurs à l’entretien passionnant qu’avaient échangé le photographe Carlos Cazalis et le journaliste Jon Lee Anderson dans le bel ouvrage « Sangre de Reyes ».
« Je ressens au plus profond de moi que j’assiste à quelque chose de primordial » dit Carlos Cazalis à propos des courses auxquelles il assiste et il ajoute: « la corrida nous rappelle que nous allons nous aussi mourir »…
Evidemment, dans la cyber-compote-ludique des temps où nous sommes, on comprend alors d’autant plus ce que la tauromachie porte en elle de subversif.

Nicolas Rivière

 

Sans titre.
1994.
Série « Autour du taureau »
Acrylique sur papier.
65*54 cm

  1. LIEUTAUD Joël Répondre
    Magnifiques oeuvres de Joan Jorda accompagnées du texte pertinent de Nicolas Rivière qui expriment bien le paradoxe de la corrida qui n'est pas faite pour être aimée mais ressentie au travers de tous les sentiments que nous pouvons éprouver lorsque nous y assistons.
  2. alains Répondre
    Refuser la Mort c'est refuser la Vie car les deux sont liées.... Sans la Mort il n'y aurait pas de Vie puisque le vivant se nourrit de vivant, et donc de la Mort des autres...... Je le dis d'autant plus sereinement que je suis presque au bout, avec circonstances aggravantes en prime :)

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