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Café Gaucho

Le comptoir du Café Gaucho, à Pampelune, est une « querencia » naturelle, un refuge que l’on ne quitte qu’à regret et pour y revenir à la première occasion venue. Quelle que soit la saison, le jour comme le soir, j’aime m’y accouder, tout près de son angle, face à la porte qui donne sur la Place du Château. De ce « sitio » je regarde le ciel navarrais changer au fil des heures.
Dès lors que l’on commence à prendre l’habitude d’y user ses coudières, l’un des charmes du Gaucho prend tout son relief dans des transitions que l’oeil du buveur pressé ou du touriste en quête de « pintxos » dont on parle dans les magazines ne peut pas percevoir.

Au Gaucho, c’est la fin de la mâtinée, le milieu de l’après-midi (pas avant 16 heures) et le tout début de la soirée (pas après 19 heures 30) qui sont les moments les plus agréables. Marga et Amaïa relâchent la pression, Mitxel descend d’un ton et se cale « mezzo voce », tandis que le jeune gars de la plonge (un sosie du pilier castrais Antoine Tichit) souffle enfin un peu. Quelques habitués apparaissent sur le pas de la porte. Des familles enguirlandées de moutards, auxquels Mitxel distribue des friandises, font une brève escale. Trêve entre deux coups de feu, répit momentané.

Le Café Gaucho, célèbre notamment pour son anguille fumée et son foie gras poêlé, attire en effet pas mal de curieux sur qui l’expression « pintxos de autor » produit son petit effet. « Pintxos de autor », c’est comme « cuisine d’auteur », « vin d’auteur », ça m’a toujours plié en deux. On pourrait aller plus loin. « Cuisine de compositeur », « vin d’interprète »… Pour un négociant, « vin d’interprète », sûr que ça ferait un tabac…

Ces « pintxos de autor » donc, inutile de s’agglutiner aux heures des repas pour les déguster puisque la cuisine tourne du matin jusqu’à 23 heures passées. Hormis les anguilles fumées et le foie gras poêlé, la maison s’illustre aussi avec le poulpe, la « gilda » (qu’on appelle ici « pajarico »), les « croquetas » au jambon ou encore le « revuelto de setas ». (A ce titre, si l’on n’est certes pas au niveau du Brote madrilène, plus en raison de la matière première que du tour de main, on n’en est toutefois guère éloigné).

Carton rouge direct en revanche à deux bidules totalement indignes du reste: la salade de la mer où l’on débusque assez vite des morceaux de surimi, ainsi que le je-ne-sais-quoi sur lequel trônaient ces fausses pibales reconstituées et qui abusent tant de clients. Fuera!

Quitte à balancer ce qui doit l’être, arrêtons-nous un instant sur les vins. En blanc, outre un verdejo ô combien putassier (DO Rueda) il n’y a quasiment rien d’autre. Les rouges sont de leur côté soit lourdingues, soit entièrement dénués d’intérêt. Le pichet d’origine indéterminé bu l’autre jour dans un routier entre Dax et Mont-de-Marsan et facturé 4 euros le litre vaut largement la plupart des soupes servies ici. Au passage, ne demandez pas un « tinto joven », ça ne sert à rien tout est élevé en fûts.
Je ne me suis pas risqué sur les ribera del duero qui patientaient à température ambiante car il me semble que j’ai déjà suffisamment donné pour la cause la semaine précédente à Valladolid où pour l’expérience je vous conseille « La Dehasa de los Canónigos », une sur-extraction gonflée par 18 mois de bois neuf et qui grimpe sans s’essouffler sur mon podium de l’imbuvabilité.

Finalement, c’est ce qu’il y a de dommage, de rageant au Café Gaucho. D’autant plus rageant qu’à cent mètres de là, au coin de la rue Estafeta, le bar Txirrintxa où les « pintxos » sont totalement quelconques, sert quasiment tous les vins navarrais d’Emilio Valerio au verre. Quant à La Botería, juste en face des arènes, j’y bois généralement une bouteille quotidienne du bobal estampillé Clos Lojen, le vin quasi « crisolien » des Bodegas Ponce…

Sans ces détails, on ne quitterait jamais, définitivement jamais, la « querencia » du Café Gaucho…

Nicolas Rivière

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