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Obri(gado) bravo XXV


Épisode XXV : Herdeiros de António Brito Paes (Pinto Barreiros ligne Cabral Ascensão / Oliveira Irmãos et Domecq ligne Marques de Domecq) – Herdade do Monte Velho, Vale do Santiago.


La ganadería de Lampreia est l’aînée puisque celle des Brito Paes est apparue aux alentours de 1960 (ancienneté portugaise en 1962), une quinzaine d’années après sa soeur. António da Luz da Silva Brito Paes fonda son élevage en achetant une cinquantaine de vaches à Filipe Malta da Costa, toutes marquées du fer de Durão et toutes livrées en pâture aux assauts de reproducteurs d’António Silva (donc purs Pinto Barreiros à l’époque) dont un bien nommé ‘Fundador’. Comme partout ailleurs, la Réforme agraire de la seconde moitié des années 1970 plongea la ganadería dans la plus grande incertitude et c’est un euphémisme. Prévenant, le ganadero avait décidé de diviser son élevage en deux lots, chacun se voyant offert une finca familiale. Ainsi, 80 vaches demeurèrent à Monte Velho avec un reproducteur alors que les 40 plus âgées rejoignaient les terres dites d’Ameijoada quelques trente kilomètres plus au nord. L’idée s’avéra géniale pour la survie et la reconstruction du jeune élevage. Effectivement, à l’heure de la récupération, le cheptel de Monte Velho avait disparu — il se raconte que le semental fut dégusté lors d’un banquet — alors que seules quelques vaches survivaient du côté d’Ameijoada. Ce sont ces rescapées qui servirent de base pour repartir de zéro mais toujours avec le sang national de Pinto Barreiros par l’entremise de ses deux bras secondaires : l’Oliveira Irmãos et le Cabral d’Ascensão. Comme chez Lampreia finalement même si chez Brito Paes fut peut-être plus prégnante l’empreinte Oliveira Irmãos par l’utilisation de plusieurs étalons comme ‘Toucadilho’ en 1984 ou ‘Carrapateiro’ en 1990. Après la mort du fondateur, deux de ses héritiers décidèrent de partager l’élevage (2013-2014) en deux entités distinctes : Joaquim José Brito Paes conservait la moitié du bétail, le fer historique et la herdade de Monte Velho alors qu’António Raúl Brito Paes s’installait à Ameijoada pour y fonder un nouveau fer portant son nom. Si les deux ganaderías ont de nombreux points communs, celle de Joaquim José a plus de sororité avec celle de Joaquim Lampreia qu’avec celle de son frère et l’introduction récente d’un semental de Moura d’origine Marquis de Domecq n’est certes pas la moindre. C’est ainsi qu’au milieu des gabarits harmonieux mais presque frêles des vaches Oliveira et Cabral surnage la masse imposante et rouge d’un toraco placide qui observe comme statufié puis qui fout le camp d’un bond devant le manque d’intérêt que nous représentons pour ses besoins de semental. Parmi les toros et les novillos, même si c’est moins le foutoir en terme de type que chez Joaquim Lampreia, l’oeil passe sans transition d’un Oliveira plein de finesse, bas, musculeux, la peau comme lustrée à d’autres cornus plus bastos, moins… moins tout en vérité. Joaquim José croit à son rafraîchissement. C’est ainsi qu’il le perçoit, emboîtant en cela les dires de Joaquim Lampreia. Ce n’est pas un croisement, c’est un rafraîchissement ! Glacial le rafraîchissement, avec des glaçons gros comme des balles de pétanque que t’as plus de place dans le verre au final.
Sur les pistes qui nous mènent à Ameijoada chez António Raúl Brito Paes et qu’eux seuls doivent connaître, les deux Joaquim sont intarissables sur leur monde agricole qui va mal, sur l’Europe, les aides, le réchauffement climatique, la folie des hommes et sur l’état de la Fiesta, ici au Portugal et en Espagne. Ils ne sont pas dupes : ils sont de minuscules ganaderos qui n’ont d’autre ambition que de maintenir en vie les rêves de leur père et grand-père et leur passion. En espagnol leurs mots sont pesés, un brin diplomatiques. C’est la langue de nos échanges. Par instant, ils replongent dans la complexité de leur langue vernaculaire et je devine que les euphémismes laissent place à des avis plus tranchés dont font les frais certains confrères éleveurs qu’ils évitent de côtoyer de trop. Certains souvenirs de réunions de l’APCTL les font éclater de rire avant de se murer pour quelques secondes dans le silence, les yeux perdus dans la contemplation d’un paysage auquel ils vouent un culte et qu’ils façonnent au quotidien. Ils se demandent ce qu’il en restera bientôt.

à suivre…

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