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L’afeitado est mort, vive l’afeitado !

Le vocabulaire taurin est victime d’une période de sécheresse qui n’a rien à voir avec le réchauffement climatique, le tri des déchets ou la sémillante Greta Thunberg. Passons sur les mots de trapío, de bravoure, de casta, de sentido ou de genio qui ont disparu du dialecte des aficionados contemporains élevés au grain des réseaux sociaux et du commentaire définitif. La tendance est au « classe », à « l’humiliation » et à la « duración ». La dithyrambe en 140 signes a remplacé l’analyse, un forme d’extase quasi pornographique a pris le pas sur la mesure et la réflexion. Mais cet assèchement lexical, qui va de pair avec un assèchement culturel plus global, n’est pas que négatif puisqu’il s’est accompagné de la disparition d’un mot détesté par les aficionados a los toros : le mot AFEITADO. Le vocable afeitado a disparu depuis quelques années parce que la pratique n’existe plus et il n’est pas loin le temps, dans un futur proche, où les amateurs de corridas devront se plonger dans de vieux grimoires poussiéreux pour redécouvrir qu’il existât à la fois l’acte de limer et de couper les cornes des toros et que cela se dénommait l’afeitado, du verbe afeitar qui peut se traduire, sans passer pour un blaireau, par raser. Si l’on excepte deux ou trois nostalgiques qui continuent de déclamer le vilain mot en pleine liesse populaire — ce fut le cas dimanche 28 août 2022 à Mont de Marsan pour la novillada de Saint-Perdon —, il est indéniable que plus personne ne parle d’afeitado en terres taurines. Et si l’on en parle pas, c’est que l’afeitado ne se pratique plus. L’équation est aussi simple que cela et ressemble à s’y méprendre à celle de la pédophilie dans les milieux ecclésiastiques jusqu’à il y a peu (Attention : votre serviteur ne met pas du tout sur le même plan de gravité l’afeitado des toros et la pédophilie). Le silence a valeur de vérité, l’absence de mot valide l’absence d’acte. L’afeitado c’est rasoir ! 

Et puis le mot est plus difficile à prononcer que celui d’indulto. S’il fallait d’autres preuves de la disparition de l’afeitado, du moins en France, l’on avancerait que l’U.V.T.F. ne publie plus les résultats des saisies de cornes depuis… depuis. Quand le site de cette association a été refondé avant la période Covid, on nous annonçait qu’il serait la plateforme de la communication autour de la tauromachie, qu’on allait voir ce qu’on allait voir, qu’il fallait qu’on soit tous unis. Las, le site a figé et avec lui la possibilité d’en savoir plus sur cette question de l’afeitado en France (nous espérions assez peu en temps normal, il faut le préciser). Les cornes sont-elles d’ailleurs encore saisies ? Il en va des résultats de ces saisies (si elles existent) comme il en va de la publication des comptes de cette risible inutile : l’opacité règne en maîtresse, l’omerta est de circonstance ; non, elle y est devenue structurelle et permet a priori de faire vivre très correctement certains nuisibles. 

L’afeitado a disparu grâce à l’action conjointe des fundas dégueulasses et d’une communication outrancière du triomphalisme putassier quotidien (entre autres). La voix des aficionados a los toros a été siphonnée par l’hygiénisme ambiant des réseaux sociaux et Antonio Lorca, journaliste web pour le quotidien El País, est l’ennemi de l’intérieur. Ta gueule Lorca !

On lira avec intérêt le papier de Antonio Lorca : La pandemia silenciosa que envenena la fiesta

  1. Vincent Répondre
    Eso es casta ! Vuelta al ruedo Laurent !

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