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Alors, c’était bien ?

C’est la question qui tue. Qui exaspère. « Alors ? C’était bien ? ». On a envie d’être désagréable, d’en rajouter, d’exagérer, de mentir rien que pour faire chier. Comme un réflexe, une question d’hygiène. 

En plus, les pauvres bougres, ça leur est tombé dessus alors qu’ils n’avaient vraiment rien demandé. Ils remontaient tranquillement la rue Gambetta, quasiment déserte, tournant le dos à l’Adour. Un trio de vieux sans histoires, tout à leur simplicité paysanne et gasconne. 

A la terrasse du seul café ouvert, des trentenaires du coin qui n’avaient pas vu la course, des « festayres » installés là depuis le début de l’après-midi, qui voulaient quand même savoir comment ça s’était passé. « Alors ? C’était bien ? ». Les vieux, un peu emmerdés, ont poliment botté en touche, dévissant complètement le coup de pied : « Oui c’était pas mal. Il y a eu des oreilles ».

Il ne faut surtout pas leur en vouloir. Ce genre de conneries, on les profère par instinct de survie, par nécessité urgente de se débarrasser d’autrui sans le froisser. Pour éviter aussi de rentrer dans le détail, alors qu’attendent la soupe de fèves et sa promesse de chabrot. Et puis, c’était bien quoi d’ailleurs ?

« Mais c’était bien ou pas ? ». Oui et non, comme toujours, comment t’expliquer ? Les novillos de Flor de Jara ont été faibles, sans caste, éteints pour la plupart d’entre eux. Ils n’en voulaient pas, pas trop, ou alors à condition d’appuyer vraiment sur le bouton de la télécommande. Ils étaient beaux. Splendides même. C’était leur suffisance. 

Hormis ‘Terrerito’, sorti en premier et hors du type à tous niveaux, tous arboraient cette grisâtrerie difficile à définir, belle et lourde comme les ciels pesants de la Biscaye. Parfois ça se lève un peu, à d’autres moments ça se couvre. Il y a des synthèses, tel ‘Buenacara’, sans doute le plus beau avec ses yeux frottés au charbon, sa noirceur soulignée. Ou alors ‘Fandanguero’, peut-être mieux encore que les autres et dans tous les registres, celui des cornes notamment, le plus exigeant en tout cas, le plus compliqué, qui torchonnera la muleta d’Ismaël Martín sans en obscurcir néanmoins la novilleria allègre, exposée, ébouriffée et donc rafraîchissante…

Ils ont donc été gris de différentes façons, fiers d’une manière semblable, jamais bravaches – jamais braves non plus d’ailleurs –, toros un peu à la demande, bouquet satellite d’une noblesse que l’on n’attendait pas, pour laquelle on n’était pas venu. Peu adeptes du cheval mais très amateurs de banderilles.

« Alors, c’était bien ? » Oui. Au fait, vous connaissez Solalito ?

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