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Diou B(‘)ibán

Mugron, lundi 01 avril 2024.
Novillada de Baltasar Ibán pour Alejandro Peñaranda, Alejandro Chicharro et Tomas Bastos. / Cuadra Heyral.


Mugron. Landes. Chalosse. Les pins c’est plus loin. Ici ça monte et ça descend. Ça tourne. D’en haut tu contemples les Pyrénées. Il a neigé à la fin de l’hiver. D’en bas tu te diriges au gré des clochers qui font comme des ombres chinoises sur les nuages de traîne. Les arènes de Condrette ont passé le siècle d’existence. Là, à cet endroit précis, et même avant 1911, le village ne faisait qu’un les jours de course. De course landaise. Sous les bérets noirs les moustaches crachaient le tabac, les pollens du printemps et les exclamations fiérotes d’une langue vieille comme l’Adour. À l’écart un peu serré on donnait du hil de pute, du macarel, aux gosses qui couraient en gueulant du minja i carot et pour tout le reste, en guise de ponctuation, de jolis diou biban. L’expression aurait été imposée par Jeanne d’Albret, la mère du Vert galant, lors d’un édit de 1561 qui obligeait à prêter serment sur la Bible avec ces mots : « Aü Diu Bibent ». Va savoir si c’est vrai.

Ce qui est vrai, c’est que des Ibán il y en eut ce lundi de poisson d’avril à Mugron. Des biens vivants et qui le restèrent jusqu’au bout du bout de leur caste. Les vieux sont aussi vieux que ceux d’avant. Il y a moins de bérets. Moins de patois aussi. Il a été remplacé par les applaudissements. C’est plus universel. Certains parmi eux ont vu ‘Montenegro’ dans les années 1980. À côté. À Saint Sever. Sept piques ! Ils ont dû voir des Fraile à Bayonne et peut-être des Barcial à Vic. Aujourd’hui, ils applaudissent quand le président change le tiers. « Comme ça il permettra plus pour la faena ». C’est ce qu’ils disent. Sans ponctuation, sans diou biban. Oh hil de pute ! À quel moment le dérapage incontrôlé a-t-il eu lieu ? Quand est-on passé d’un public qui savait faire la distinction entre un grand toro brave et un carretón de gala ? J’en perds le patois que je n’ai jamais parlé. Les héritiers de Baltasar Ibán avaient préparé un lot peu voire mal armé (tendance claire au gachito et au brochito) et très varié de tamaño. Le boucher a dû savourer les rondeurs zélées du quatrième. Nous non. De cet envoi que les affiches des novilladas qualifiaient autrefois de « desecho » sans que cela fut péjoratif (les éleveurs conservant en toro de 4 et 5 ans les plus beaux de la camada), deux astados auraient pu faire cracher des Diou Biban aux vieux de la Belle Époque. Le six, ‘Peletero’, trop encasté pour un Tomas Bastos brouillon et trop sûr de sa belle gueule qu’il voulait montrer plutôt que de lidier. Pour l’occasion, nous convînmes avec mon voisin que l’expression « mettre la charrue avant les bœufs » seyait parfaitement à l’univers taurin. ‘Peletero’ ne s’agenouilla qu’après s’être vidé de la dernière goutte de son sang brave. Et puis surtout le deuxième, ‘Santanero’ numéro 34 comme le département de l’Hérault mais cela n’a aucun rapport si ce n’est qu’au jeu du numéro de département je ne pus que constater la réalité de ma nullité face à l’érudition assurée du même voisin. ‘Santanero’ fut un novillo brave en deux piques poussées très sérieusement. La seconde fut meilleure encore que la première (le novillo se fixant bien sur les deux cornes et mettant les reins) et laissait augurer une troisième rencontre de qualité. Le président en décida autrement comme d’habitude. Aux ordres. Soumis. Sans afición. En mon for intérieur, j’ai juré en patois. Par la suite, ‘Santanero’ a été porteur d’une caste tressautante dont Chicharro se débrouilla plutôt sincèrement. Les chroniqueurs retiendront que le jeune homme demeura en dessous des qualités de charge de l’Ibán et ils auront raison. Chicharro a coupé deux oreilles à son second, un ‘Camarito’ numéro 31 comme le département de la Haute-Garonne dont les ressortissants envahissent les plages landaises l’été en conduisant comme des Napolitains alcoolisés aux vins de Gascogne. Je crois que mes penchants ségrégationnistes à l’encontre de cette ethnie du 31 a influencé mon regard sur ce ‘Camarito’ plutôt fin et joli de présentation mais qui manquait de force. Une unique rencontre pour ensuite s’en aller prendre deux cent cinquante passes dont les deux-tiers sur une excellente corne gauche. Certains s’époumonèrent pour demander une vuelta al ruedo pour ‘Camarito’ numéro 31. Des Toulousains c’est sûr. Je ne vois pas d’autre explication.

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