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Madrid 24 mai, un poco Aguado

Madrid 24 mai, 5 JP Domecq et 1 Torrealta (6) pour Juan Ortega et Pablo Aguado mano a mano

Nous dinions argentin à la Cabrera, calle Velázquez, dans une salle à moitié vide à la déco chargée en kitscheries du Rio de la Plata, du Gardel par ci, du Perón par là. L’endroit est bon, l’endroit est cher. Congestionné de pollens j’avais toutefois pris pour accompagner l’entraña de résistance un verre d’une Syrah Madrilène plus boisée qu’une balade dans les Landes. Daniela trempa les lèvres et livra un verdict dans une demie moue indifférente « un poco aguado« . Merci pour le titre.
Il faut considérer la corrida du jour dans une globalité Madrilène pour trouver un peu d’intérêt à la chose. Arènes pleines pour un cartel sévillan, « artiste » et plutôt casse-gueule avec un lot de Juan Pedro. L’an dernier, la même pareja avait tué en compagnie d’Urdiales une corrida infâme de Roman Sorrando et l’on se rassurait sur le chemin des arènes en se disant que les JPD étaient bien sortis à Séville, n’étaient pas trop gros, avaient cinq ans. L’ennui avec ces courses-là, c’est que l’on s’y rend en posant un mouchoir sur ses quelques principes taurins et qu’une fois la machine infernale enclenchée, l’on fulmine de sa propre turpitude. Les cinq Juan Pedro ayant passé le ‘cut‘ vétérinaire laissent imaginer l’état des recalés… Une escalera comme on dit ici : de la vache en ouverture, du cabri, du novillo, vaguement du toro vers la fin (on parle de présentation). Au moral, rien, au physique, peu. Impropres à la lidia tous, au toreo de salon la plupart, tout commença mal, plongeant une partie du public dans une humeur épouvantable, le Rosco parla vite des « toreros de plástico« , puis à mesure qu’avançait la corrida, différentes atmosphères se succédèrent rappelant vaguement les différentes phases d’un deuil. Il n’y eut rien à redire à cette mauvaise humeur pendant les trois premiers machins. Le premier avacado, grand dadais fut préservé à la pique. Au rayon détails : remate par larga d’un quite raté par delantales d’Aguado et deux changements de mains d’Ortega au troisième tiers. Le second commença plus timide qu’une rentrée en sixième et finit très réservé : Aguado se dit « qu’à y être », autant éviter les notes salées de teinturier. Trois assauts un peu honteux à l’épée. Le troisième, le cabri, sautillait rendant impossible l’interprétation du « air-toreo » ou quoi que ce soit. Longue faena très poussive d’Ortega espérant probablement pouvoir caler une paire de joliesses à un toro rendu, achevée sur trois quarts d’épée qui parurent satisfaire l’éternel fiancé. Le 4 « génuflexa » avant même l’apparition des cavaliers, Aguado comme si de rien n’était mit en suerte par chicuelinas marchées.
Faenita d’infirmier autour du mètre de charge de ‘Samurai‘ devant le tendido 6, créant une agressive division d’opinions entre les 7 et 6, et tentative de détails comme ce cartucho de pescado un peu mal venu et assez mal reçu. Demie lame tombée et descabello. Costume légèrement taché. Le 5 était un paisible herbivore, semblant s’interroger sur le menu du soir au moment où Ortega montait l’épée : la scène était déchirante. Avant le golletazo qui suivit, le Sévillan avait brindé à Roberto Dominguez et toréé de salon les allées et venues du placide bovin sus-désigné devant des tendidos passés de la colère à la résignation abyssale.
Consommés les cinq Juanpedro, la dernière lueur d’espoir s’incarnait en un Torrealta de cinq ans d’apparence porcine ; au royaume des aveugles, il apparut comme la huitième merveille du monde (personne n’était dupe), avec une touche de transmission, un soupçon de moral et un brin de danger pour l’émotion. Aguado ne vit pas tout de suite la corne gauche, mais n’en bougea plus ensuite et les naturelles qui suivirent eurent beau être données dans les terrains lointains de l’ombre, elles mirent les frères ennemis des tendidos du soleil d’accord. Bien sûr, il torée plutôt loin (du toro) mais il y eut dix ou quinze naturelles redonnant au temple son sens sacré, deux aidées par le bas de la gauche à la fin extraordinaires de cadence et de précision. Épée entière gentiment tombée foudroyante au premier essai. Oreille de résilience.

Vicente, « Orteguiste » convaincu et pratiquant mais doutant de la pertinence de le voir toréer à Madrid, avait préféré à la sévère ambiance Venteña l’émotion des adieux de Modric et Ancellotti à Bernabeu.

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