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Aucun bouquet ne vaut pour moi… (XII)

LL-fpalhamariadocarmoMaria do Carmo Palha est la grand-mère paternelle de Fernando Pereira Palha. Elle est la fille de José Pereira Palha Blanco et la mère d’António Palha, le père de Fernando. Elle est née en 1875 et, cette année-là, on planta un rosier en l’honneur de cette naissance à la Quinta das Areias. Fernando Palha tient à ce rosier qui vit toujours. Il doit l’envisager comme le témoignage du passé et le signe de la transmission du patrimoine familial. Il s’en occupe comme d’une fleur fragile que tout le monde feindrait d’ignorer, sauf lui.

Au demeurant, nous savons peu de choses sur Maria do Carmo Palha si ce n’est que c’est à travers elle que la tradition ganadera de la famille a subsisté jusqu’à aujourd’hui depuis la mort de José Pereira Palha Blanco en 1937. Maria do Carmo était mariée à un cousin, Fernando Palha Van Zeller, le frère de Maria do Patrocínio Palha, elle-même mariée au frère de Maria do Carmo, Constantino Palha. Les photographies de ce premier Fernando Palha trahissent d’ailleurs une ressemblance troublante avec l’actuel patriarche de la fratrie Palha. De cette union germaine naquirent cinq enfants : António, Carlos et Francisco (les jumeaux Palha), Julia et Madalena (la grand-mère de João Folque de Mendoza et de ces cinq enfants, seuls les garçons — avec leurs cousins, fils de Constantino — héritèrent de la ganadería avant qu’elle ne soit dirigée par les seuls jumeaux Carlos et Francisco à partir de 1942.

Dans l’histoire de la famille, les femmes, même si leur présence dans les généalogies n’apparaît que comme un vecteur de transmission du patrimoine aux mâles, ont joué un rôle d’importance, à la fois dans le soutien apporté à leurs mari et/ou enfants, mais aussi dans le maintien de l’équilibre de l’édifice Palha lors des moments complexes et torturés de son histoire.

Pour respecter la trame chronologique de cette saga, il convient de remonter à la source : Laura Rodríguez Blanco.

Andalouse de Málaga, ses décisions furent essentielles à l’heure où son fils de dix-sept ans prenait les rênes de l’élevage en 1873. À l’aune de recoupements chronologiques, il semble que l’acquisition de la Quinta da Foz en 1873 releva de sa décision propre et de sa volonté. De même, de nombreux écrits laissent sous-entendre que c’est au nom de son amitié, ou du moins de sa connaissance, que Fernando de la Concha y Sierra daigna vendre ‘Guitarrero’ à José Pereira Palha la même année. À ausculter de près la généalogie de cette branche de la famille, il saute aux yeux que l’amour entrait peu en ligne de compte dans la conclusion des mariages, qui n’étaient autres que des alliances. En cette fin de XIXe siècle, la bourgeoisie triomphe, au Portugal comme en Europe, et elle reproduit ce qu’avant elle la noblesse et les familles royales avaient érigé en système.

Cette société bourgeoise ouverte au monde et aux idées nouvelles affichait, a contrario, un traditionalisme des plus zélé concernant la défense de ses propres intérêts dans lequel l’endogamie in utero — serait-on tenté d’écrire — occupait une place de premier plan. La beauté n’est certes pas monopolistique dans une relation amoureuse, mais l’on peine à se figurer le jeune Palha Blanco se lancer dans une cour effrénée, la rime haute et la parole sucrée d’impatience rageuse et de rêves nocturnes, à l’endroit de sa future épouse : Maria Madalena Bastos Pereira Palha, austère petite conjointe brune dont le visage fin échoua à contenir l’éruption bien peu femme d’une moustache dont l’époque avait fait une mode… chez les hommes. Peu importait, elle était une cousine et donna au mari les héritiers espérés. Pour autant qu’elle jouât correctement son rôle, Maria Madalena Bastos n’en demeura pas moins une femme de tête dont le caractère n’avait rien à envier à l’allure monarchique de son époux. Quand il évoque cette arrière-grand-mère trop duvetée, Fernando Palha ne se départit pas d’un rictus amusé, et ses yeux pétillent comme ceux d’un gamin qui se gave de bonheur aux bêtises des autres.

« Vous savez, mon cher ami, ce que le roi Carlos Ier dit à mon arrière-grand-père un jour dans cette pièce ? »
La pièce en question est une salle à manger au milieu de laquelle trône non pas une table mais une piste de danse ovale où le village pourrait festoyer. Chaque jour, chaque fin de semaine, pas moins de vingt-quatre couverts sont prêts à servir, car la famille est nombreuse. Le décor n’est pas chargé, mais le bois vieux de cent ans assombrit ce lieu où se joue quotidiennement l’hommage au chef de famille qui s’assied au bout de l’ovale face à la place laissée vacante pour le roi.
« Il lui déclara que lui, roi du Portugal, le considérait (José Pereira Palha) comme le roi des travailleurs. C’était ici, à l’endroit même où nous nous trouvons aujourd’hui pour manger. Et savez-vous où se trouvait mon arrière-grand-mère au moment précis où le roi honora José Palha de ces paroles ?
— À ses côtés… Si le roi était là…
— Mais non, mon cher ami ! »
La mine réjouit de celui qui vient de commettre une bonne blague, Fernando Palha laisse quelques instants au silence afin que l’effet espéré soit total.
« Elle n’était pas là ! Chaque fois que le roi rendait visite à la famille, elle se débrouillait pour se rendre à Lisbonne où vivait sa sœur… Elle était… républicaine ! Vous imaginez… républicaine… Alors elle partait pour ne pas avoir à croiser le roi et à compromettre ses principes et ses idées politiques ! »

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