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Aucun bouquet ne vaut pour moi… (XXXIII)

petitjournalillustré 16 février 1908Le 1er février 1908, la monarchie vacillante du royaume du Portugal est mise à genou par un bajonazo tiré à bout portant sur le roi Carlos Ier et sa famille. Le Tage entend les coups de semonce de l’Histoire en marche sur ses rives, mais ne bronche pas. La reine Amélie, d’origine française, pleure son époux mais avant tout son fils aîné, Louis-Philippe, héritier du trône. Manuel II (le cadet) prend bien la place du père, mais la monarchie portugaise a vécu ; et, le 4 octobre 1910, le coup d’État républicain, soutenu par la marine et l’armée, porte le descabello final à un régime battu d’avance auprès de l’opinion publique par l’Ultimato britannique de 1890-1891, puis par la volonté, anachronique, démontrée par Carlos Ier de renforcer le pouvoir royal par le biais de la dictature de João Franco, à partir de 1907.

Duc de Bragança avant d’accéder au trône, en 1890, Carlos Ier a laissé le souvenir d’un homme fort, tant physiquement que moralement, viril et sûr de son fait. Cavalier émérite, noceur joyeux, chasseur accompli et aficionado convaincu, passionné, tous les témoignages d’époque en attestent. Il fut à tel point aficionado que c’est lui qui fit renouer la couronne lusitanienne avec son passé ganadero quelque peu oublié et fortement dilué depuis l’épisode fondateur du roi Miguel Ier.

L’élevage fondé par Carlos Ier sur les terres de la « Quinta do Vidigal » débute avec un toro dont le souvenir est longtemps resté vif dans les mémoires des aficionados portugais. Il se nommait ‘Caraça’ et avait été offert au monarque par Emílio Infante da Câmara (père). De ce toro qu’il finit par chasser, le roi utilisa toutes les potentialités, allant jusqu’à le mettre sur une vache zébu !

À la fin du XIXe siècle, le roi décide d’améliorer la qualité de son troupeau de bravos au sujet duquel on peut écrire sans exagération qu’il ne défrayait pas la chronique. Pour ce faire, il achète à son ami, Vitorino do Avelar Froes, figura du rejoneo portugais, la moitié de son élevage que lui-même avait constitué à base de bétail acheté à Jacinto Trespalacios. À propos de cet achat, les références spécialisées ne s’accordent pas. Maqueda (comme Morais, qui le reprend) évoque le Trespalacios de la première époque, c’est-à-dire Jijón par le marquis de la Conquista (les mêmes donc que José Pereira Palha Blanco aurait acquis au même Trespalacios), quand Areva fait référence à du Trespalacios veragueño, version demeurée aujourd’hui officielle et entendue.

Le régicide de 1908 et la chute de la monarchie qui s’en suivit, en 1910, emportèrent avec les tourments de ces années noires le troupeau royal, qui connut des ventes successives avant de tomber entre les mains de l’Andalou Francisco Chica, en 1940 — la ganadería de Carlos Ier avait été achetée par le Sévillan Antonio Flores Iñiguez, qui la revendit en 1929 à Ramón Ortega Velásquez. Aujourd’hui, il ne reste pour ainsi dire rien du cheptel Bragança (le fer est détenu par Mari Carmen Camacho), si ce n’est une pincée de vaches chez Julio de la Puerta — les vaches que détenait la famille Alventus, à Trebujena, disparaissent d’une mort lente mais assurée dans cette ganadería en totale déshérence.

Les bêtes de Curro Chica présentaient, sans doute possible, les caractéristiques du phénotype veragueño, et les nombreux pelages jaboneros renforcent ces certitudes. Gageons donc que Vitorino do Avelar Froes acquît vaches et sementales de la seconde ganadería de Trespalacios. Ce faisant, c’est grâce à lui que le Veragua portugais allait retrouver une seconde vie, underground et confidentielle, certes, mais pourtant bien réelle, face au tsunami Pinto Barreiros.

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