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Aucun bouquet ne vaut pour moi… (XXXIV)

neto rebelo 2La première fois que je lui posais la question des origines de son élevage, passée l’évocation de ‘Chinarra’, des aïeux et de toutes ces histoires parfaitement succulentes qu’il distillait aux plus curieux, Fernando n’eut qu’un mot pour toute réponse. Il constatait que j’insistais pour en savoir plus ; je ne pouvais d’ailleurs m’empêcher à voix haute de trouver forcément impossible de construire une ganadería sur la descendance d’une seule vache. Il n’eut pas l’air agacé ou froissé de mon insistance, tout au plus me gratifia-t-il d’un regard plus lourd, non pas noir mais lourd, comme peuvent l’être ceux des maîtres d’école qui hésitent entre gronder un élève dont la question est hors de propos ou lui fournir une réponse parce que finalement la question hors de propos a peut-être plus de sens et d’intérêt que d’autres plus en accord avec ses attentes. Il n’eut qu’un mot, un nom propre qu’il me fut pour une fois aisé de comprendre : GAMA.

« Gama ! C’est ce que j’ai passé ma vie à rechercher pour constituer l’élevage avec les premières vaches descendantes de ‘Chinarra’. Il a fallu que je cherche dans tout le pays des bêtes descendantes de cette origine : Faustino da Gama. »

Gama donc Trespalacios ! Trespalacios parce que la ganadería de Faustino da Gama était originellement celle de ce Vitorino Avelar Froes.

Avelar Froes avait constitué son élevage en achetant directement des bêtes à Trespalacios, peut-être d’ailleurs cet achat se fit-il en commun avec Carlos Ier. Toujours est-il que la figura del toreo à cheval de l’époque conserva la ganadería jusqu’en 1919, date à laquelle il la vendit à un certain José Filipe Neto Rebelo, originaire de Caldas da Rainha, chiche bourgade à peine caressée par les bruines de l’Atlantique, située entre Lisbonne au sud et Nazaré au nord.

En 1912, Neto Rebelo maria sa fille Alice Neto Rebelo avec un nom légendaire au Portugal : Faustino Luz da Gama. C’est lui, encore un Gama, qui prit les rênes de la ganadería, en 1930, et qui acheva l’œuvre entreprise par son beau-père. Ce dernier, parti d’un élevage très marqué par le vazqueño, avait entrepris en 1928 d’introduire un semental acheté au Conde de la Corte pour renforcer ce croisement Veragua/Parladé, déjà effectué par Froes et par le le roi Carlos Ier dans leurs élevages respectifs. Quand il devient le patron, Faustino da Gama prend la mesure de l’opération, qu’il juge certainement bonne car il la réitère lors de la décennie suivante, quand, entre 1941 et 1945, il fait couvrir ses vaches par deux étalons — ‘Claveio’ et ‘Colmadito’ — achetés à Infante da Câmara ; étalons qui étaient tout simplement de purs Parladé/Tamarón puisque fils de vaches d’Alves do Río et d’un toro de La Corte offert à Infante da Câmara par le marquis de Villamarta. Ouf… En 1964, l’élevage est vendu à Ernesto Louro Fernandes de Castro, qui s’empresse de sacrifier le cheptel veragüeño par du pur Atanasio Fernández.

De prime abord, le Gama disparaît au milieu des années 1960, au moment même où Fernando Palha met sur pied son rêve de reconstruire les anciens Palha Blanco. ‘Chinarra’ ne suffit pas, et le fringant nouveau ganadero, verbe haut et profil d’aigle, n’a d’autre choix que de se faire historien pour retrouver les quelques graines essaimées çà et là par Neto Rebelo et Gama entre 1919 et 1964. L’entreprise n’est pas aisée, car elle ne repose que sur la tradition orale, forcément romantique, forcément excitante, d’un savoir qui n’en est pas un. Il faut écouter celui-ci se souvenir avoir vu cette vache chez un tel : « Oui ! C’était une Gama ! » ;  il faut rencontrer cet autre qui conserve trois bêtes qu’il pense être du Veragua ; il convient de fouiller, de relire, d’interroger pour écrire le scénario d’une histoire ganadera underground dont les lettres de noblesse ne sont que les murmures des anciens et la persévérance d’une chimère poétique.

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