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La nuit vient plus tôt

lanuitvientplustotChaque année, fin octobre, l’heure se prépare à l’hiver et la nuit vient plus tôt. Elle serait venue de toute façon, mais plus tard et mieux, en somme.

Nous le pensons depuis un moment, la corrida mourra d’elle-même, de ses propres dysfonctionnements, de ses errements lentement consentis et sûrement adoptés par tous, ou presque. Mais il en est toujours, et sans cesse, pour qui le cours du temps qui file à son rythme propre ne suffit pas. L’hiver doit être là plus tôt et la corrida doit mourir ici et maintenant parce qu’il est odieux et impensable d’occire un animal en public. Ils sont les antis, ils sont cette mouvance écologiste européenne — essentiellement fille de pays anglo-saxons et du nord — et mondiale de plus en plus dictatoriale, enturbannée dans une puérile sensiblerie teintée d’une philosophie animaliste aux antipodes de l’Humanisme, ils sont cette gauche se voulant « radicale » mais prête à toutes les alliances pour exister dans un monde en crise — ils se disent peut-être que c’est leur heure —, ils sont les thuriféraires du bon sentiment, du premier degré qui donne des leçons, du vernis cérébral. Ils sont aussi la droite extrême con comme ses pieds qui avancent en cadence — il conviendrait de ne jamais l’oublier — et prête aux mêmes alliances que la gauche qui pense « bien ». Ils sont nombreux à attendre que la nuit tombe plus vite. Hier encore, les parlementaires européens ont voté à la majorité pour que l’Union Européenne arrête de délivrer des aides aux éleveurs de toros de combat. Ont-ils voté pour que cessent la pollution aux antibiotiques des saumons produits industriellement dans le nord du continent ? Ont-ils voté pour nous protéger de Monsanto ? Ont-ils voté pour que le porc soit élevé dans des conditions dignes de son statut animal en Bretagne ou ailleurs ? Le porc aussi est un animal sensible, non mais !

Toute cette mascarade, qui s’auto-justifie sur le dos d’une société qu’elle annonce vouloir changer mais qu’elle ne fait que renforcer dans ses aspects les plus abjects du consumérisme à tout crin et de l’uniformisation, pourrait prêter à sourire si le monde taurin dans son ensemble n’était pas en train de lui tendre la fesse pour recevoir sa punition, mais sans en retirer un quelconque plaisir pour autant.

Entendre ou lire des aficionados mettre en question les piques sanglantes, les mises à mort trop longues, les puntillas d’un autre âge ou les banderilles inutiles fait froid dans le dos. Depuis quelques années que le phénomène anti fait beaucoup parler de lui, le monde de la tauromachie multiplie les réflexions sur la manière adéquate de se défendre. Nous avons été assez critiques ici-même à l’encontre de certaines entités pour reconnaître, qu’en France au moins, certaines pistes ont été creusées de manière intéressante — sans en partager pour autant la manière de faire et/ou la philosophie sous-jacente. Néanmoins, ces derniers mois, l’urgence faisant loi certainement — erreur à notre sens—, les défenseurs de la corrida ont transformé leur combat en une tentative ridicule et vaine de justifier la corrida.

Défendre n’est pas justifier.

Nous n’avons pas à justifier cette passion viscérale ! Mes tripes ne pensent pas ! Y serions-nous contraints ? Selon quels critères moraux, sociaux, philosophiques, écologistes, politiques le ferions-nous ? Ceux mis en avant par les adversaires de la corrida ? Non ! C’est pourtant ce qu’il est en train de se passer. La justification de la corrida telle que menée actuellement est une aporie. Et cette aporie ouvre le bal des petites hontes : on dissimule un toro mort sous une bâche ici, on vend un spectacle « sans mise à mort » là, on laisse des partis antis mettre en ordre la vision propre de la geste taurine dans des villages du Levante, on « comprend » que certaines choses puissent choquer ! , on veut que le toro meure vite — fut-il lamentablement assassiné n’a aucune importance —, on passe finalement bien vite le jet d’eau sur les mares de sang.

Et surtout, et avant tout, parce que manquent les arguments de la raison, l’on convoque la culture. Cette culture qui serait l’ultime rempart contre les attaques des antis et des autres. Pour se rendre compte du phénomène, il suffit de se perdre sur la toile et de constater. Le site de l’O.N.C.T. propose des approches scientifiques, littéraires, ethnographiques — j’en passe — sur la tauromachie. D’autres mobilisent Vargas Llosa, Picasso ou le dernier clip de Madonna non pour se satisfaire que des créateurs se soient un jour intéressés à la corrida au point d’en faire un sujet culturel à part entière mais pour lui donner une justification : regardez braves gens, si Picasso peint la corrida c’est qu’elle n’est pas si honteuse ! Si Vargas Llosa écrit son amour pour la chose taurine, c’est qu’elle n’est pas « si pire » que certains voudraient le faire croire ! Vargas Llosa est un homme de goût braves gens. Et Hemingway. Et Leiris. Et Madonna. Tous hommes de goût  évidemment ! Mais depuis quand Picasso, Vargas Llosa, Leiris, Hemingway et Madonna ont-ils raison contre Théodore Monod ? L’art mérite-t-il cette prise d’otage que pratiquent tout aussi putassièrement les antis de leur côté avec leurs propres têtes de gondoles ? Justifier la corrida pour se donner bonne conscience, car il ne s’agit de rien d’autre que de cela, et sous l’angle d’analyse imposé par les adversaires de la corrida, est faire le lit de ceux qui veulent la détruire. Convoquer l’histoire pour rendre la corrida immémoriale comme un surgissement sublime du fond des grottes du Paléolithique supérieur est malhonnête et scientifiquement mal interprété. À force, l’habitude est prise de voir naître de telles démarches et l’on attend l’opus dans lequel sera écrit noir sur blanc que le septième jour dieu s’en alla aux arènes pour se reposer d’avoir créer une si vaste comédie les six jours précédents.

Il n’y a pas quatre chemins pour défendre la corrida : le seul est juridique et le législateur, en France du moins, a déjà planché sur la question. C’est peut-être ténu et fragile mais un alinéa autorise les corridas en France. Que l’exécutif et les services d’ordre fassent alors leur boulot — c’est un autre problème, c’est certain.

Justifier n’est pas défendre.

  1. Wildguy Répondre
    Sauf que le Droit pour qu'il admette ce droit repose forcément sur tout ce que tu récuses... sinon pourquoi y ménagerait-il une place ? L'Histoire, la Tradition, l'Esthétique, la Philosophie, l'Art, la Littérature, etc... c'est pas une découverte.. Les tripes auraient une émotion intrinsèque dont le siège serait dans les replis de l'intestin ??? Bien sûr que les tripes sont dépendantes de la pensée, heureusement !

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